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De la carrière à l’employabilité

De la carrière à l’employabilité

Etymologiquement, le mot « carrière » vient du latin « carrus », qui signifie « chemin de chars » et renverrait ainsi à la notion de « faire carrière », qui serait de suivre une voie bien tracée, à la fois chronologique, linéaire et ascendante. Dans cet article, nous proposons de nous intéresser aux différentes évolutions de ce concept de carrière et de comprendre comment nous sommes arrivés au concept d’employabilité.


La carrière pendant les Trente Glorieuses

La prospérité et le développement économique qui ont suivi la seconde guerre mondiale ont permis aux individus d’avoir des progressions de carrière rapides. La caractéristique majeure de ces carrières était son caractère hiérarchique et vertical. En effet, faire carrière signifiait de progresser régulièrement dans la hiérarchie de l’entreprise jusqu’au moment du plafonnement ou plateau.

Les années 1980 marquent une rupture puisque l’environnement économique se transforme et l’on voit l’arrivée en force de nouvelles pratiques au travers des opérations de fusions-acquisitions, du downsizing, de la réduction des effectifs, du re-engineering, de l’aplatissement des lignes hiérarchiques… L’évolution de carrière perd son mouvement vertical et prend une nouvelle direction plus horizontale par des mouvements latéraux, avec une modification du poste qui ne s’assortit pas d’une modification du niveau hiérarchique. On parle alors de la mobilité de carrière, qui est une mobilité professionnelle qui va permettre à l’individu d’avoir des changements de poste. Le salarié sera considéré comme étant en situation de plateau ou de plafonnement à partir du moment où cette mobilité de carrière, par des mouvements verticaux et latéraux, est compromise ou incertaine.

L’employabilité

Ensuite, le plateau de carrière a été défini comme la situation où l’individu a de faibles probabilités d’avoir des missions de responsabilité accrue. On quitte la mobilité professionnelle pour s’intéresser au champ d’activité ou de responsabilité. Tant que la portée du poste évolue ou peut évoluer, le salarié ne sera pas considéré comme étant en situation de plateau de carrière.

Ensuite, des auteurs proposent la notion de plateau professionnel, qui est défini comme le point à partir duquel les salariés trouvent que leurs postes manquent de challenges et qu’ils offrent peu d’opportunités de développement professionnel et d’employabilité future. Cette nouvelle approche est intéressante à double titre. D’une part, elle prend bien en compte les nouvelles pratiques managériales des entreprises dans la gestion des carrières de leurs salariés en proposant des missions spécifiques, des détachements temporaires, l’enrichissement des missions et des tâches…D’autre part, elle prend en compte, au-delà de la situation objective du salarié avec l’observation ou non d’opportunités de développement professionnel et d’employabilité future, la situation subjective, qui est le sentiment du salarié sur ces opportunités de développement professionnel et d’employabilité future.

Ainsi, se déplace-t-on du cadre de l’entreprise pour se diriger vers un cadre plus global du marché du travail dans son ensemble. Ce concept d’employabilité s’inscrit dans ce courant des nouvelles carrières dites « protéennes » ou sans frontière. Nous passons ainsi d’un « ancien contrat » entre le salarié et son organisation, qui garantissait la sécurité de l’emploi, à un « nouveau contrat » de nature psychologique, qui nous fait passer du relationnel à long terme au transactionnel à court terme. La carrière glisserait d’une carrière organisationnelle vers une carrière protéenne, où le contrat ne se fait plus avec l’entreprise, mais avec soi-même. Prenant en compte son employabilité, le salarié devient réellement acteur de sa carrière et de la gestion de sa carrière. Ce nouveau contrat de carrière protéenne comporte sept caractéristiques :

– La carrière est gérée par l’individu et non par l’organisation.

– Elle nécessite des apprentissages, des expériences, des transitions et des changements tout au long de la vie entière.

– Le développement est continu : auto-dirigé, relationnel et fondé sur les challenges dans la vie professionnelle.

– Le développement n’est pas (nécessairement) : la formation formelle, conserver sa place ou l’élévation dans la hiérarchie.

– Les ingrédients du succès changent et passent de :

  • Know-how à learn-how
  • La sécurité de l’emploi à l’employabilité
  • Carrières organisationnelles à carrières protéennes
  • « Work self » à « whole self ».

– Les organisations fournissent : du challenge, des relations stimulantes, des informations et autres ressources, qui aident au développement.

– Le but est le succès psychologique.

L’employabilité fait également référence à la notion de « marketability », qui mesure la perception d’un salarié face à ses possibilités de trouver un emploi aussi intéressant que le sien dans une autre entreprise.

On voit ainsi que l’employabilité amène à des changements significatifs dans la relation du salarié avec son organisation, qui devient de fait plus équilibrée. L’entreprise cherche à avoir des collaborateurs performants et efficients et ceux-ci cherchent à maintenir sinon développer leur valeur sur le marché du travail en travaillant au sein d’entreprises qui leur donnent cette possibilité.

Les questions qui se posent à l’entreprise sont multiples : comment sélectionner et retenir les talents dans un contexte de raréfaction de la ressource humaine et de compétition multi-sectorielle en la matière avec d’autres entreprises ? Quelles politiques et quelles pratiques managériales mettre en œuvre pour être et rester attractives ? Comment gérer efficacement l’employabilité et la carrière protéenne des collaborateurs à tous les stades de leur vie professionnelle ?

François Perotto
Docteur en Sciences de Gestion



Une chronique

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