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Histoire d’entrepreneur – Jean Claude Hugueny : Les défis du démineur des négociations à risques

Histoire d’entrepreneur – Jean Claude Hugueny : Les défis du démineur des négociations à risques

Chaque mois, Gilles Flichy le conteur des beaux parcours d’entrepreneurs, nous retrace le parcours et le récit de vie d’un décideurs. Ce mois-ci, retrouvez l’histoire de Jean Claude Hugueny, directeur territorial Puy de Dôme d’Enedis.


Jean Claude Hugueny est né dans une famille tranquille et sans histoires de la banlieue est de Paris à Saint-Maur-des-Fossés Val-de-Marne.

Son père, un intellectuel ouvert sur le monde, exerce la fonction d’Inspecteur Général de l’Education National tout en étant président d’agrégation en lettres classiques. Il lui a transmis, en homme de lettre féru de français, de Grec et de Latin, son gout du savoir et son agilité intellectuelle. Quant à sa mère, Secrétaire Générale de la Mairie de Saint Maur, il reste volontairement discret à son égard tout en rappelant au passage son parcours sans accroc d’enfant à la fois sage, timide et dynamique jusqu’aux portes de l’adolescence.

Si Jean Claude bénéficie de capacités intellectuelles avérées il préfère mettre en avant son instinct et son intuition sûrs qui fondent sa singularité et sur lesquels il s’appuie pour forger sa décision et son action en homme libre et indépendant.

Enfant Jean Claude rêvait de devenir chimiste animé par le gout et la passion d’expérimenter et de mélanger les substances et les molécules. Cela le conduira tout naturellement, au terme d’études qu’il qualifie de moyennes, à intégrer l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Montpellier, la seule qui propose l’étude la chimie organique qui le passionne, puis successivement Gaz de France et Enedis, terrains de jeu rêvé pour exprimer son désir d’expérimenter sans cesse.

Un destin qui bascule

A l’âge de 13 ans le destin de Jean Claude bascule brutalement. Alors qu’il se rend au lycée, comme à l’accoutumée, à vélo, il est percuté violemment par une voiture et sa jambe est à moitié broyée.

S’en suit une immobilisation d’un an ponctuée de longs séjours à l’hôpital. De cette épreuve Jean Claude va puiser de nombreuses ressources intérieures. Il oriente sa passion de l’expérimentation et sa volonté vers lui-même et part à l’aventure de sa vie intérieure. Il découvre au passage de bien précieux talents et ressources dont il ignorait l’existence. Son gout de l’audace et de l’aventure se précise et il affute sa volonté avec ténacité en se lançant des défis de plus en plus difficiles qui requièrent la plus grande attention et beaucoup de persévérance. Il me confie au passage avec humour qu’il a décidé à cette occasion de se fixer le défi d’arriver à faire bouger ses oreilles et à force de concentration et de patience. Il atteint parfaitement son objectif et prend définitivement confiance en lui.

Lecteur boulimique, il profite de cette immobilisation subie pour assouvir son insatiable soif d’apprendre et s’ouvrir délibérément toujours davantage sur le monde. Telle la chenille devenu papillon, Jean Claude ressort profondément transformé de cette épreuve. Il se débarrasse de son encombrante timidité, de ses peurs et de son manque de confiance et se forge une philosophie singulière et originale qui concilie harmonieusement matérialisme, audace et humanisme. A compter de ce jour il décide résolument qu’il fera tout ce qu’il faut réussir et fait fit du danger.

En 1982 lors de la présentation de sa thèse de docteur au sein du CNRS, il attire l’attention d’un gazier membre du jury. Il saisi l’opportunité qui lui est offerte et rejoint sans hésiter Gaz de France où il enchaine une succession de métiers passionnants qui lui permettront d’agir, de voyager beaucoup et d’être très indépendant.

En 2006, alors qu’il exerce la fonction de directeur international en charge des partenariats industriels sur l’Europe de l’est, l’Asie, l’Amérique du nord son parcours s’oriente, entre autres, vers la Roumanie où il devient Président d’une filiale de Gaz de France.

Le contexte et celui d’un pays émergent qui vient de se dégager de la tutelle communiste et paralysante de Ceaucescu et qui aspire à s’ouvrir sur le monde et l’économie de marché. Les enjeux de Gaz de France sont clairs. Il s’agit de profiter de l’ouverture des marchés des pays de l’est en évoluant avec agilité dans un contexte de corruption et d’avidité financière avéré pour arriver in-fine à approcher puis racheter des compagnies de distribution de gaz étrangères. Pour accéder au cœur de ces compagnies de distribution de gaz la stratégie adoptée par Gaz de France il faut utiliser la stratégie du cheval de Troyes. L’enjeu consiste à créer des joints ventures tripartites qui associent au côté de Gaz de France un industriel local dont la motivation est exclusivement axée sur le désir de s’enrichir et un industriel français qui cherche à s’implanter dans des pays émergents. La complexité et la diversité des attentes respectives des trois partenaires nécessitent beaucoup d’agilité, de ténacité et de vigilance afin de les rendre compatibles.

Le succès d’une telle stratégie exclu tout conformisme. L’itinéraire exclusif de la ligne droite n’est plus de mise, pas plus que l’application à la lettre des normes et procédures en vigueur chez Gaz de France. Il va falloir s’accommoder avec pragmatique et souplesse à la réalité sur le terrain sans trahir pour autant les objectifs recherchés par la direction de Gaz de France. C’est dans ce contexte interlope et semé d’embuches où la corruption s’invite à tous les niveaux que Jean Claude prend la présidence d’un complexe industriel qui fabrique de pièces en polyéthylène à Bistrita au cœur des Carpates. Lors de la chute du communisme, l’entreprise a été rachetée dans des circonstances inexpliquées par Riciu un ingénieur chimiste roumain opportuniste qui veut profiter du contexte pour s’enrichir Il s’est pointé un matin à vélo dans l’entreprise, comme à l’accoutumée, avec une valise pleine de billets sur son porte bagages et a racheté l’usine cash. Riciu entame dans la foulée une diversification de la production de cet ensemble industriel délabré. Le second partenaire du tour de table sera l’industriel français Socotub.

Aventurier dans l’âme

Jean Claude aventurier dans l’âme vient de se lancer avec enthousiasme dans une nouvelle aventure centrée désormais sur la fabrication performante de tubes en polyéthylène. Il a à cœur de tout mettre en œuvre pour atteindre l’objectif de Gaz de France en conciliant trois partenaires aux attentes diamétralement opposées. Pour ce faire, il se déconditionne rapidement des usages, pratiques et raisonnements acquis en interne et fait quelques entorses aux règles de l’entreprise quant au respect du processus technocratique de décision. Pur s’en sortir, plongé au cœur de cette zone de non droit, il décide de s’adapter aux us et coutumes locaux en matière de procédures de décision et fait confiance à son instinct et à son intuition.
Premier enjeu de taille, comment s’affranchir progressivement d’une culture industrielle archaïque et contreproductive et faire accepter les méthodes de production occidentales plus efficientes et plus exigeantes ? La tâche n’est pas aisée quand il s’agit de privilégier l’amélioration de la qualité et la maitrise des coûts qui s’opposent frontalement à l’enrichissement personnel à court terme de l’un des partenaires. C’est en adoptant une attitude d’écoute et d’attention à l’autre et en se laissant guider par son instinct sûr sans pour autant renoncer à ses valeurs que sont la liberté, la confiance et le respect des autres que Jean Claude s’attèle à ce travail Herculéen. Dans un pays où les syndicats sont inexistants et où la politique salarial est exclusivement décidé par une direction qui envisage sans états d’âme de pratiquer la baisse des salaires pour assurer son profit, Jean Claude va devoir agir conjointement sur les aspects économiques et humains. Il se rapproche des salariés pour leur apporter des garanties au niveau du maintien de leur salaire et s’emploie à gagner leur confiance. Pour ce faire, il pratique un management de proximité et écoute attentivement les attentes et les problèmes des salariés tout en leur prodiguant des signes de considération afin de les impliquer et de les responsabiliser.
Qu’il s’agisse de la gestion des stocks totalement inexistante au départ ou des méthodes de recouvrement musclées aux accents maffieux, incompatibles avec notre culture policée d’européen, pas un secteur n’échappe l’attention et à la vigilance de Jean Claude. Curieux de tout et persuadé que les seules vertus du management européen ne sont pas suffisantes pour faire changer des comportements bien ancrés, il apprend le roumain et s’initie à la culture locale. Il écarte avec fermeté l’usage des méthodes d’intimidation tout en étant bien décidé à ne pas se faire abuser et à ne rien céder sur le terrain de ses valeurs morales.

De cette expérience Jean Claude a appris à faire confiance à son instinct, à devenir plus patient, à s’adapter en permanence aux situations imprévisibles. Au passage, il a développé son sens de la négociation et a approfondi sa connaissance de la psychologie des autres. Il retrace les étapes qui lui ont permis de mener à bien cette mission complexe à hauts risques. Il s’est d’abord attaché à appréhender et à s’approprier la culture politique et économique du pays, puis il a cherché à bien connaître le complexe industriel racheté au niveau de ses produits et de ses marchés. A ce stade, Il s’est attelé à bien appréhender la psychologie, les stratégies et les comportements des acteurs locaux avant de s’impliquer totalement, les mains dans le cambouis, tant au niveau du pilotage et que de la production de l’entreprise

Aujourd’hui il se réjouit d’avoir connu tout au long de sa vie professionnelle un parcours en constante évolution riche et passionnant qui la conduit à devenir en 2009 directeur territorial Puy de Dôme d’Enedis. Il est fier d’avoir toujours su mettre ses capacités et talents au service des autres et d’avoir toujours su rebondir suite à ses échecs. Jean Claude apprécie d’avoir pu trouver dans son club APM un lieu ouvert à la diversité et un vecteur de mixité sociale. Il savoure ce sentiment d’indépendance qu’il a connu et apprécié tout au long de son itinéraire et s’imagine volontiers renaitre dans la peau d’un loup au pied d’un séquoia bien enraciné pour jouir avec sérénité d’une vie frugale et solitaire. Libre et détaché de toutes entraves matérielles il se faufilerait au fond d’une une grotte et se lancerait un nouveau défi : découvrir et pratiquer la spéléologie.

Se rapprochant de l’apogée de son aventure professionnelle il s’engage toutefois à sortir de sa tanière pour poursuivre, en accord avec ses valeurs profondes, ce qui lui plait le plus, l’aviation, les présidences de l’IUT d’Auvergne et de la plateforme Clermont Agglo initiative et le vélo auquel il se promet de consacrer plus de temps.

Passionné depuis l’enfance d’aviation et de grands espace, il prend de la hauteur et laisse son esprit planer librement dans l’azur bleu au-dessus des nuages gris de la scène des aventures humaines. Serein, bienveillant et sans regrets, il déchiffre, avec détachement et humour, l’épitaphe gravée sur le granit de sa dernière demeure qui le résume ainsi : « Il a vécu ce qu’il avait envie de vivre ».

Epilogue…

Heureux qui comme Jean Claude, a fait un beau voyage, a vécu tant d’aventures et traversé tant de situations à risques en devenant lui-même et qui s’emploie aujourd’hui à transmettre son expérience et ses connaissances aux étudiants et aux créateurs d’entreprises pour leur donner, à leur tour, l’envie d’entreprendre et de se réaliser…

 

 

Qui est le conteur ?

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Gilles Flichy :
Ils ne sont pas nombreux les chefs d’entreprises, présidents de clubs économiques et institutionnels Clermontois à ne pas connaître et apprécier Gilles Flichy. Homme de réseau, agitateur d’idées et humaniste engagé, Gilles Flichy vient de mettre un terme à sa carrière professionnelle placée sous le signe de l’innovation, de l’intermédiation et de l’accompagnement des jeunes créateurs. Pour autant, pour Gilles Flichy la retraite ne signifie pas la fin de son engagement pour l’économie locale ! Il est notamment aujourd’hui chroniqueur et conteur de beaux parcours pour le Journal de l’éco



Un article de Gilles Flichy

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