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La motivation au travail (suite 2)

La motivation au travail (suite 2)

L’Economie, loi naturelle… mais inhumaine.


Le mot « économie » vient du grec oikos qui signifie maison au sens d’habitat et de nomos qui signifie règle, loi, principes qui régissent. L’Économie est la bonne gestion des choses recueillies et/ou fabriquées là où l’on vit. La bonne gestion, cela coule de source, consiste à éviter toute dépense inutile, et c’est pourquoi le mot signifie également épargner, cf. par exemple l’expression « faire des économies d’énergie ». Le lieu de vie avec ses ressources offertes et exploitées est donc une richesse à gérer, à administrer, grâce à notre intelligence, à notre rationalité.

Cette notion n’est apparue qu’au 16e siècle et c’est un Français, Antoine de Montchrestien, qui a affecté cette responsabilité d’administration à l’État en créant le vocable d’économie politique. Progressivement, la production, la distribution, la consommation des biens ont pu être considérées comme des phénomènes naturels régis par des lois, donc explicables, donc maîtrisables, et c’est ainsi qu’est née la science économique. En effet, le phénomène richesse peut être mesuré grâce à son expression en monnaie et on peut analyser ses mouvements comme les autres phénomènes, à l’instar des mouvements des astres étudié par l’astronomie.

Tous les habitants d’un pays, c’est naturel aussi, veulent être riches, riches le plus possible. L’Etat qui gère l’ensemble des citoyens veut être économiquement puissant donc avoir le PIB le « produit intérieur brut » le plus gros possible, afin de dominer le reste du monde, à toutes fins utiles. Aujourd’hui les USA sont numéro 1, la Chine numéro 2, la France numéro 6 avec un PIB, le sait-on, égal à deux fois celui de la Russie !

Hélas, il y a dans les lois économiques un principe fondamental qui porte le nom de productivité et qui consiste non pas à produire plus, mais à produire au moindre coût monétairement parlant, et la composante du coût qui offre le plus de possibilité de réduction est la masse salariale des hommes qui produisent. Il faut donc soit utiliser le moins de main d’œuvre possible, soit rémunérer moins le travail, soit les deux à la fois.

Il est inutile ici de rappeler les méfaits sociaux engendrés par cette loi qui est inhumaine par définition, mais c’est un devoir moral de mettre en évidence l’atteinte grave à la dignité humaine que représente le chômage. En effet, ce non-emploi n’est pas seulement une privation de revenu mais la frustration totale, chez ses victimes, de la pulsion de transformation du monde (*) qui est l’essence de la volonté de travail. On est certes tenté de dire que n’avoir pas de travail, c’est avoir du repos, état ordinairement considéré comme agréable, mais la frustration de cette pulsion de transformation du monde est aussi inacceptable et insupportable que celle de la pulsion sexuelle, constatation médicale donc.

Le système productif, pour répondre à la nécessité économique, utilise une solution apparemment moins frustrante, celle de l’accroissement du rendement des travailleurs, depuis le plus humble des exécutants jusqu’au manager. L’injonction d’accroître sa productivité personnelle n’est pas présentée comme une contrainte arbitraire mais comme une exigence normale : ne pas fournir cette performance serait un aveu d’incompétence, voire de débilité. L’acceptation de la pression et de sa signification psychologique conduit souvent au burn-out, autre constatation médicale.

Mais la conséquence la plus grave du libre déploiement de la loi économique est qu’il faut de moins en moins de travailleurs, donc de salariés, pour produire la même quantité de richesse globale, donc le chômage ne sera jamais supprimé. Il devient même ce qu’on appelle une « variable d’ajustement » pour la rentabilité de la production, à l’instar de la rareté qui détermine la valeur de la plupart des biens : exemples, le diamant qui vaut très cher ne sert à rien, le professeur des écoles qui est d’une utilité capitale voit son salaire déjà injustement bas bloqué pendant des années.

Il faut que la Politique, au sens noble de gestion de la Cité polis, prenne le contrôle de cette Economie inhumaine par nature, à l’instar de la réglementation de la circulation automobile qui empêche que les instincts les plus animaux produisent l’hécatombe des braves gens qui veulent juste aller tranquillement rendre visite à leurs parents dans leur lointain domicile. Le principe qui doit guider la réglementation est simple : le travail est un plaisir, tout le monde a droit à ce plaisir, plaisir de même nature que celui que provoque l’activité sexuelle. Certes en général il est moins jouissif, mais il conduit à créer selon notre désir des choses que la nature ne produit pas : quel bonheur pour l’homme de façonner le monde comme on engendre ses enfants !

(*) Voir définition dans article même titre du 07.03.16

Rédaction : Mathieu-Robert Jourda

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