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MATHIEU-ROBERT JOURDA : LA RECOMPENSE AU TRAVAIL (suite 2)

MATHIEU-ROBERT JOURDA : LA RECOMPENSE AU TRAVAIL (suite 2)

Une chronique de libre opinion de Mathieu-Robert Jourda : A propos des salaires des cadres devenus grands patrons, je vais vous raconter une histoire.


La Bourse de New-York, le NYSE, en 1995, avait besoin d’un président, elle opta pour M. Grasso qu’elle paya 1,4 millions de dollars par an. C’était douze fois moins que M. Ghosn aujourd’hui. Peut-être que cette différence était due au fait qu’il n’avait aucune diplôme : il était entré au NYSE à 22 ans comme employé de bureau.  Ses savoir-faire étaient bien réels et aux USA c’est le critère prévalant. Tout se passa bien jusqu’en 2003, date de fin de contrat, où M. Grasso estima qu’il méritait une prime de 140 millions de dollars pour ses huit années de bons et loyaux services.

A-t-il exigé cette réévaluation à cause de la comparaison avec d’autres rémunérations ou bien parce qu’il se prénommait Richard… en tout cas il n’a pas justifié la somme par la détermination comptable de ce qu’il avait fait gagner au NYSE par son talent. C’était son estimation, c’était en quelque sorte le prix de l’œuvre d’art que sa personne représente, une œuvre d’art qui est à la mode, donc dont la valeur dépend uniquement du jeu concurrentiel entre les richards qui désirent ardemment l’objet. A quel titre, cette exigence ? C’est tout simple : parce que la capitalisation gérée par la Bourse de New-York se montait à 8000 milliards de dollars. Qu’est-ce que 140 petits millions par rapport à un enjeu pareil ?

Est-ce que  cette tentative de racket a marché ? Non, il s’est fait virer (fired).

En France, curieusement, on a moins de scrupules. Ainsi Antoine Zacharias, le patron de Vinci – autoroutes et parkings -, a pris sa retraite avec 127 millions d’euros de plus-value en stock-options. A-t-on entendu dire que cette entreprise avait eu des performances extraordinaires ou des résultats miraculeux ?  Non, M. Zacharias n’a rien accompli de surhumain. Alors question : quelle justification voyez-vous à ce remerciement de 100 millions de dollars ? La Justice s’est insurgée et elle a requis deux ans de prison avec sursis et 375.000 euros d’amende ! Mais de quoi se mêle-t-elle notre Justice ? Le tribunal correctionnel a décidé de relaxer l’ancien dirigeant. Motif: l’incrimination d’abus de biens sociaux n’est pas constituée et les magistrats rappellent qu’ils ne sont pas là pour juger « la gouvernance des entreprises ».

Il y a des explications à ces récompenses moralement choquantes et je reviendrai sur ce sujet, mais je voudrais pour l’instant faire observer que ces prélèvements n’ont rien à voir avec la motivation des chefs d’entreprise, les vrais, ceux qui gèrent leurs biens et leur revenu comme un patrimoine, c’est-à-dire des biens hérités des parents (patres) et qu’il faut transmettre à son tour à la collectivité humaine. Ces cadres-patrons ne sont ni paternels, ni patriarches, ni patriotes, ils sont simplement d’habiles exploitants d’outils de production qui ont été remis à leurs bons soins, comme on confie un orphelin à un tuteur mandaté. L’argent qu’ils gagnent, il est affecté à leur jouissance personnelle et c’est bien pourquoi il leur en faut toujours plus. Et la meilleure preuve de cette égoïsme sauvage est que pas un seul de ces patrons qui ont terminé leur tutelle en redescendant sur la terre des ancêtres sous un parachute doré, n’ont affecté cette fortune à la création d’une entreprise.

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