Institutions, collectivités
Historiquement l’Auvergne fut, dès la fin du XIXe une véritable destination touristique à travers le thermalisme et la fréquentation des villes d’eau. Suite à la visite de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, l’Auvergne connut un véritable engouement de la part de l’aristocratie et de la bourgeoisie de l’Europe entière qui lui donnèrent une célébrité éphémère.
Le déclin du thermalisme aurait pu être fatal à l’Auvergne touristique.
L’Auvergne, une destination toujours d’actualité
Fort heureusement, le déclin du thermalisme n’a pas été fatal à l’Auvergne. En jouant sur son image de pleine nature – un peu trop peut-être car, aujourd’hui, on n’en retient souvent que les vaches et le fromage – l’Auvergne a su valoriser ses grands espaces pour attirer les vacanciers de toutes les régions de France. Elle l’a prouvé dans les années 60, en s’inscrivant comme destination privilégiée des programmes de construction de villages de vacances pour les salariés des grandes entreprises publiques ou privées. De nombreux sites ont ainsi pu bénéficier de l’apport de ces familles de vacanciers, des « colonies de vacances » qui ont nourri l’appétence pour l’Auvergne chez les enfants devenus adultes, puis, avec l’essor des loisirs de montagne, du développement des stations de ski. Fort de ses atouts, l’Auvergne a su s’installer comme alternative aux grandes stations en offrant dans le massif du Sancy un accueil familial. Mais s’ils ont réussi à maintenir une activité touristique, les Auvergnats n’ont point trouvé d’or sous leurs pieds ni vert ni blanc.
Il restait à inventer l’attractivité de la région touristique.
Deux hommes se sont attelés à cette mission : un politique, Pierre-Joël Bonté alors président du Conseil général du Puy-de-Dôme et Jean Pinard, à qui il confie la tâche d’élaborer un schéma de développement touristique pour construire une véritable politique départementale puis régionale du tourisme, Pierre-Joël Bonté ayant été élu en 2004 président de la Région Auvergne.
Auvergne, une marque, un label
Directeur du Comité régional du Tourisme puis de « Auvergne Nouveau Monde », Jean Pinard travaille en étroite collaboration avec son ancienne équipe. Jean-François Jobert, son successeur, tient le même discours :
« Nous avons une chance en Auvergne parce que le nom de l’entité administrative porte le même nom que l’entité géographique, contrairement à d’autres régions. L’Auvergne est à la fois une région et une destination clairement identifiée et, parce que le tourisme est une activité économique à part entière, le Conseil régional lui apporte un soutien sans faille. » et avec « Auvergne Nouveau Monde » s’attèle à promouvoir la marque Auvergne. L’Auvergne est entrée dans l’ère du marketing territorial et le tourisme s’en félicite.
Car les investissements seraient vains si l’axe communication n’était pas particulièrement développé : il s’agit rien moins que de changer une image de l’Auvergne composée de clichés et idées reçues contre lesquels il est nécessaire de lutter. L’idée : mobiliser les Auvergnats, et pas seulement les professionnels de la communication et les médias, pour imposer l’image d’une Auvergne dynamique, accueillante, authentique, « un vaste territoire dans lequel on va trouver de quoi se ressourcer »
Derrière la marque, des outils de développement
L’élaboration d’un schéma de développement touristique prévue par la loi a été pensée en Auvergne selon 2 axes majeurs :
– le développement des hébergements, sachant que l’emploi est à 80 % dans le secteur hébergement et restauration et qu’il continue à progresser pour atteindre 4,4 % des emplois salariés en Auvergne en 2013.
– La création des pôles de séjour sur des thèmes fédérateurs (« Plus beaux villages de France ») ou fortement induits par leur spécificité (comme les stations thermales) ou encore allant dans le sens des tendances du marché (stations de pleine nature).
L’avantage, selon Jean François Jobert, est que, « Bien évidemment, en spécialisant son territoire, ce schéma permet de mettre en synergie les différents acteurs en créant une connexion entre pôles et hébergements. »
Cela se traduit également par la poursuite de sa politique d’investissements dans les infrastructures d’accueil, les parcs naturels, les hébergements, les pôles d’attraction majeurs comme Vulcania (à lire dans une prochaine édition du Journal de l’éco) qui est l’une des destinations « phare » de l’Auvergne, et d’autres.
Quels en sont les enjeux ?
– Un enjeu de formation : il s’agit d’installer un esprit de service et de professionnaliser les acteurs locaux, notamment par l’apprentissage des langues étrangères.
– Un enjeu d’innovation que Jean-François Jobert décrit en ces termes : « Dans un contexte très concurrentiel, nous sommes condamnés à inventer. L’Auvergne l’a fait et continue à le faire dans le domaine de l’accessibilité au haut débit et très haut débit, dans la qualification des hébergements avec la démarche Nattitude (à lire dans un prochain numéro du Journal de l’éco), dans la mise en ligne et sa déclinaison pour mobiles de sa base de données touristiques proposant plus de 40 000 offres. Cette dernière innovation, gratuite pour l’utilisateur, permet de se géolocaliser de manière à avoir accès aux données concernant l’endroit où il se trouve : hébergement, restauration, sites remarquables, musées, espaces de loisirs, itinéraires de randonnées, etc. »
Des chiffres en progression
Tous ces efforts ne sont certainement pas pour rien dans le fait que 2013, année particulièrement difficile selon les opérateurs du secteur du tourisme, a été une année record pour l’Auvergne, seule région de France, avec l’Ile-de-France à avoir réussi à augmenter son taux de fréquentation pour atteindre 36,5 millions de nuitées.
De 7 % en 2007, le poids du tourisme dans l’économie auvergnate est passé à 8,3 % en 2013 avec, pour le président de Région, René Souchon, un objectif à 10 % en 2020.
Forte ambition que la progression constatée ces dernières années rend réaliste en termes d’augmentation à la fois du nombre de touristes accueillis et du panier des dépenses : 2,7 milliards d’euros en 2013.
Pour situer le positionnement de l’Auvergne par rapport aux autres régions françaises, en 11e position pour le nombre de lits touristiques (609 000), elle se hisse à la 10e position en termes de fréquentation et à la 9e en termes de notoriété.
Peut mieux faire
Reste un obstacle majeur : le manque d’attractivité auprès de la clientèle étrangère. Oui, l’Auvergne est boudée par les touristes étrangers dont la part n’est que de 16 % contre une moyenne de 30 % en France. L’Auvergne est au 19e rang et l’on ne peut s’empêcher de penser que la difficulté d’accès n’y est pas pour rien.
Alors, comment sortir de cette impasse déjà évoquée lors des « Rendez-vous en France », carrefour international de rencontre entre les tours opérateurs étrangers, les territoires et les structures touristiques françaises ?
L’accueil à Clermont-Ferrand de cette grande convention d’affaires proposée par Atout France entre justement dans la stratégie de développement du Comité Régional de Développement Touristique. Jean-François Jobert se déclare optimiste « Nous attendons beaucoup de Rendez-vous en France pour séduire les tours opérateurs étrangers venus nombreux pour le salon qui s’est tenu à Clermont-Ferrand début avril 2014. ». Grâce à une excellente participation aux eductours organisés à leur intention (plus d’une dizaine), il est à même de cerner un peu mieux quelles sont les caractéristiques que l’Auvergne doit mettre en avant pour séduire cette clientèle, et plus particulièrement celle des pays émergents. : « Ce n’est curieusement pas les sites emblématiques comme le puy de Dôme et la Chaîne des Volcans qui ont le plus séduit. Les Chinois, les Indiens, les Brésiliens, qui sont des clientèles nouvelles pour la destination France et pas exclusivement Paris et Nice, se sont montrés très intéressés par la gastronomie, par l’esprit d’authenticité que présente la région, par la visite de villages classés Plus beaux villages de France, par les chemins qui mènent à Compostelle ».
Des thématiques qui ouvrent à l’Auvergne de réels champs de perspectives à mettre en culture.
Un article de Chantal Moulin