Tourisme, restauration

Le Bistrot du Vigneron à Clermont-Ferrand : lieu de partage d’un paysan avec la ville

Le Bistrot du Vigneron à Clermont-Ferrand : lieu de partage d’un paysan avec la ville
Benoît Porteilla, paysan-vigneron et gérant du Bistrot du vigneron

Consommer local à nouveau en renouant avec les échanges entre la ville et la campagne. C’est le grand projet que Benoît Porteilla porte depuis de nombreuses années. Le Bistrot du Vigneron, restaurant implanté à Clermont-Ferrand, en est un aboutissement. Paysan-vigneron, il n’attend que vous pour vous régaler avec des plats typiques mais aussi vous guider dans la consommation de produits du coin.


« J’ai fait le constat suivant : je me suis rendu compte que la ville venait souvent à la campagne pour la découvrir. Pourquoi pas le contraire ? La campagne pourrait venir en ville et revenir après avec les connaissances récoltées. Ce sont évidemment deux grosses cultures différentes, il n’y a pas les mêmes traditions ou environnements. » Cette curiosité et ce goût de l’échange ont imprégné très vite Benoît Porteilla dans sa vie à la fois professionnelle et personnelle. Cette démarche n’est cependant pas un moyen de prendre une position moralisatrice envers les citadins. « Je ne vois pas plus de défauts chez l’un comme l’autre. En ville, il subsiste de l’égoïsme malgré la concentration de gens alors qu’en campagne, il y a une tendance au communautarisme. C’est cela que je cherche à casser avec Le Bistrot du Vigneron. Faire revenir, grâce aux saveurs locales, la communication entre les personnes. »

Originaire de Dijon en Bourgogne, Benoît Porteilla a connu les difficultés et s’est donné les moyens de son ambition. « Je dois beaucoup à l’instruction ainsi qu’à mes parents qui m’ont soutenu et aidé même dans les désaccords. Nous n’avions pas beaucoup de moyen à l’époque. » CAP cuisinier, Bac hôtelier, tour du monde des vins (Europe, Etats-Unis et Canada), formation viticole au lycée de Beaune… Autant de formations et d’expériences qui vont forger sa vision du métier. En 1995, sa rencontre avec l’Auvergne va être décisive. Il va fonder un vignoble en 1995 à Dallet, situé à 12 kilomètres à l’Est de Clermont-Ferrand. « J’aime l’Auvergne car c’est un lieu à la fois loin de rien et loin de tout. Il y a un terroir, une culture, une géographie et des lieux exceptionnels. Les gens sont bien ici. » De 1998 à 2004, il ouvre dans un premier temps Le Caveau du Loup. Sa vie privée va connaître des bouleversements et il en profite pour restructurer son domaine.

Le 6 janvier 2014, il ouvre ainsi Le Bistrot du Vigneron. « Cela a pris trois ans pour trouver le lieu, situé 6 rue Breschet. C’était le plus vieux bar de Clermont-Ferrand, un endroit de partage situé à proximité des Beaux-Arts. Pour le projet en lui-même, je l’ai monté en un an. » Un large choix de plats est proposé, sans cesse renouvelés. « Il y a quatre ou cinq plats au choix différents tous les jours. Seul un ou deux plats végétariens sont assurés. On compose en fonction des saisons et des productions. Par exemple, vous pouvez commander une queue de bœuf à la lie de vin, un saucisson cuit dans du marc de raisin ou encore les feuilletés paysans ».

Pour ce qui est des produits qui composent les repas, ils sont évidemment essentiellement locaux. « 50 à 60 % proviennent de mon exploitation comme les jus de fruits, les tisanes ou une partie des fruits et des légumes. 30 à 40 % viennent d’ailleurs comme le fromage ou la viande. Parmi les producteurs, je vais chez Didier Archimbaud à Aulhat-Saint-Privat pour la viande ou Nathanaël Jacquart à Luzillat pour les légumes. Il reste 10 % réservé au café. Je fournis 80 % des vins. Je peux également en acheter par exemple chez Annie Sauvat à Boudes. » Cette exigence dans la qualité permet à Benoît Porteilla de dresser une vraie carte des produits de qualité dont Le Bistrot du Vigneron serait une sorte de panoramique. « L’idée est de faire découvrir le local tout en ne dépensant pas plus cher qu’ailleurs. Je veux valoriser ce qui est produit et transformé par le paysan. »

Cette communication, il la partage d’ailleurs avec tous types de clients. « Je rencontre autant d’étudiants, de chômeurs que de notaires ou d’architectes. Je pense que ce contact, cette proximité que je développe avec eux permet le succès du restaurant. L’accessibilité du prix des repas, entre 15 et 20 euros, y est également forcément pour quelque chose. » Finalement, peut-on parler d’innovation concernant Le Bistrot du Vigneron ? « Il n’existe nulle part ailleurs une auberge à la ferme en plein centre-ville. Quand je parle d’échanges avec les gens, je refuse que l’on mette en avant Internet. Je pense sincèrement que ce canal de communication tue le vrai contact, l’information essentielle qui découle des rencontres. C’est pour cela aussi que j’organise des soirées découvertes, des ballades ou des dégustations. « 

La formule s’avère payante puisque l’établissement réalise 10 à 12 000 euros par mois de chiffre d’affaires. « On peut parfois dépasser les 650 couverts par mois. Le pic se trouve dans la période de juillet-août où nous sommes complets tous les jours. Il nous arrive de refuser 10 à 20 personnes. » Seulement, Benoît Porteilla n’a pas toujours la vie facile. Être patron d’un restaurant n’est pas aussi aisé selon lui. « J’ai actuellement deux salariés et un apprenti. Je fais confiance aux individus qui n’ont pas de diplômes, ce qui compte pour moi c’est leur ouverture d’esprit. Mais le statut de patron me met parfois mal à l’aise, on me fait sentir quelque fois cette différentiation avec les salariés. Cela n’a pas lieu d’être pour moi puisque nous travaillons tous au même endroit. De manière plus générale, en France, je n’aime pas ce carcan du méchant dirigeant et du gentil ouvrier. Créer des emplois c’est du bonheur, mais il y a trop de charges et de paperasse. Cette suspicion du patron qui n’est pas honnête s’il réussit, j’en ai marre. »

Dans l’ensemble, Benoît Porteilla, âgé de 43 ans, est très fier de son parcours, même s’il est parfois compliqué d’avoir une vie personnelle. « Avec mon exploitation, j’ai six mois tranquilles puis trois mois très remplis en mai-juin-juillet ensuite il y a la récolte durant un mois. Heureusement, j’ai un fils de 14 ans autonome sur qui je peux compter. Je délègue le plus possible pour me dégager et ainsi travailler efficacement et méthodiquement. » Il trouve même le temps d’être administrateur pour le réseau CIVAM (Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural ). « Je m’investis beaucoup dans l’aide et la formation de jeunes. Il est primordial pour moi de connaître la dernière innovation, c’est en cela qu’il faut se former continuellement pour être au top. »

Le Bistrot du Vigneron représente un idéal que Benoît Porteilla aimerait étendre partout. « J’aimerais plus de solidarité dans notre société, mais pas seulement dans les dons, je parle de celle de tous les jours. Achetons local et non dans les grandes surfaces. Revenons à une époque où nous pensons au long terme. Les produits du paysan permettent cette satisfaction. C’est comme pour les meubles que l’on garde pendant au moins 50 ans. Mon grand-père m’a dit un jour : acheter chinois, c’est acheter deux fois. » Quel que soit le futur qui nous est réservé, vous pouvez toujours venir discuter tout en dégustant un repas préparé avec attention dans ce restaurant. Une manière simple de rappeler la notion d’échange.



Un article de Adrien DOUSSOT

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