Commerce

Les Activités et la Friperie de Pénélope à Montluçon : des vêtements qui tissent le lien social

Les Activités et la Friperie de Pénélope à Montluçon : des vêtements qui tissent le lien social
Laurence Camus, dirigeante de Les Activités de Pénélope et La Friperie de Pénélope

Atelier d’insertion par l’activité commerciale, l’Association Pénélope recueille et vend des textiles grâce à des dons de particuliers. Des magasins se sont implantés, permettant à des salariés en contrat d’accompagnement de se former et de construire un projet professionnel. Laurence Camus est la dirigeante de Les Activités de Pénélope et La Friperie de Pénélope regroupées dans un vaste local d’environ 280 m² à Montluçon dans l’Allier. Nantie d’ expérience riche et variée, elle valorise l’effort et le travail qu’elle fournit avec son équipe.


« J’adore réellement ce que je fais. Chaque jour, je donne une partie de moi-même. J’en veux toujours plus, je ne suis jamais rassasiée ». Laurence Camus, âgée de 44 ans, a l’impression d’avoir une vie bien remplie. En effet, son arrivée à Pénélope est l’aboutissement d’un long parcours dans le commerce vestimentaire. Pourtant, rien ne présageait qu’elle deviendrait un jour dirigeante de deux magasins de l’association. « J’ai démarré dans la restauration avec le Centre de Formation Hôtelière de Vichy.  Durant mon cursus, j’ai fait un apprentissage à l’hôtel-restaurant Le Garden à Néris-les-Bains. J’y ai appris la valeur du travail et surtout la rigueur. Ensuite, je suis partie en Suisse où j’y suis restée pendant 20 ans. Entre temps, je me suis mariée et j’ai eu des enfants. La vie familiale devenait pour moi incompatible avec la restauration. »

Cette réorientation a été une décision fondamentale pour Laurence Camus, lui permettant d’intégrer différents emplois et formations dans le domaine de la vente. « J’ai eu la chance de trouver du travail chez Manor, chaîne suisse de commerce de détail, qui a mis à ma disposition des cours, notamment chez Lewis. J’ai notamment passé mon CFC Vente, l’équivalent du CAP en France ». Cette mère de trois fils ne s’est pas contentée de ses acquis et à enchaîner les expériences. « J’ai eu pendant deux ans et demi mon propre magasin de dépot-vente, homme/femme/enfant, nommé Ravage à Bellegarde-sur-Valserine puis j’ai travaillé dans un grand magasin de haut de gamme à Genève,  Kurer, avec des marques prestigieuses comme BBR, Renato Nucci ou encore Jean-Paul Gauthier. »

La situation confortable et prestigieuse de Laurence Camus va cependant connaître un arrêt brutal par un évènement familial douloureux il y a quatre ans. « A la mort de mon père, une personne était très intéressée par l’achat de la maison familiale ce que je n’ai pas pu supporter Je me suis levée un matin et décidé de rentrer à Montluçon, pour trouver du travail et racheter sa maison située à Chamblet. J’ai donc été responsable chez Okaïdi pendant trois ans ». C’était clairement une volonté qu’elle avait en elle, un sentiment fort qui n’a cessé de guider ses choix. Une forte personnalité qui allait pourtant être mise à l’épreuve, l’amenant directement chez Pénélope. « Durant six mois, j’étais dans une chaîne importante de vêtements qui alimentait une cadence et une pression infernales. Les dirigeants exigeaient des objectifs de chiffre d’affaires incohérents ou aberrants. »

Laurence Camus, avec son CV imposant, aurait pu postuler n’importe où. Elle a cependant choisi de répondre à l’annonce d’une association… sans savoir ce  qu’était Pénélope. Ayant travaillé pour des  firmes importantes, elle aurait pu avoir une attitude condescendante. Au contraire, elle y a vu une formidable opportunité. « J’ai découvert une annonce pour un rôle d’encadrement en magasin. J’ai su par Pôle Emploi que c’était Pénélope. Avec des recherches et du culot, j’ai essayé de faire comprendre lors de l’entretien que ce poste était fait pour moi. J’avais l’intime conviction que tout ce que j’avais effectué auparavant cadrait pour l’association. J’ai été engagée en trois jours, c’était en septembre 2012. » En plus de superviser durant un temps les trois magasins de Montluçon, Laurence Camus a pu une nouvelle fois bénéficier de certaines formations primordiales comme des cours de management ou de merchandising par Chanel à Paris. « C’est l’association Tissons la solidarité, parrainée par le couturier Christian Lacroix, en partenariat avec Pénélope, qui permit de participer à ces cours fin 2012 et cette année en février ».

Aussi professionnelle soit elle, ses compétences vont devoir s’adapter à des points essentiels de l’association comme l’humain et la pédagogie. Elle a parfaitement conscience que la gestion d’une équipe de salariés en insertion constitue un enjeu crucial. « Selon les moments, je dois superviser entre quatre et cinq employées. Je m’entends très bien avec elles, les appelant « mes filles » d’ailleurs. Ce fut loin d’être simple au début car je renvoyais une image froide, une réputation assez carrée. Elles avaient peur de travailler avec moi. Au final, c’est le contraire qui s’est produit. Une d’entre elles avait un projet de secrétariat mais en lui donnant le goût de la vente, je l’ai fait changé d’avis et elle n’a plus souhaité me quitter ». Elle donne la priorité à l’écoute, à l’échange et sait être attentive au comportement de son équipe sans oublier le client. « Je rencontre parfois de l’agressivité ou de la détresse et il faut savoir écouter tout en sachant très bien que je ne suis pas psychologue ».

Les moments difficiles, Laurence Camus les connaît et doit les optimiser le mieux possible. « Il n’est pas toujours facile de gérer les caractères. Certaines personnes peuvent vous tenir tête et il est impératif de les recadrer même si cela n’a rien d’agréable. Il m’est arrivé de prendre des décisions difficiles, notamment avec le Directeur de l’association, Didier Navet, lorsque mon encadrement ne suffisait pas. Ce travail m’a fait l’effet d’une claque car je me devais d’avoir une approche vraiment pédagogique. On ne parle pas à tous les gens de la même façon, il faut faire attention ». Cette difficulté ne l’empêche pas de toujours défendre les salariées qu’elle dirige et de nourrir leur soif d’apprentissage. Cette relation permet de préparer au mieux tout le travail en amont réalisé pour la vente des vêtements collectés.

L’association, comptant environ cinquante personnes, ne se contente pas de recueillir les dons et de les mettre en vente. « Les vêtements passent par l’atelier situé 8 rue Ernest Montuses où le tri est d’abord effectué minutieusement et réparti sur six postes. Une sélection est ciblée pour chaque magasin. Pour la boutique se trouvant 37 rue Saint-Jean, ce sera tout ce qui est luxe et haut de gamme. Quant aux deux magasins que je dirige et celui de Commentry, nous vendons plutôt du moyenne ou petite gamme. Ensuite il y a le lavage, le repassage et l’étiquetage qui représente mille pièces par semaine pour Les Activités de Pénélope et La Friperie de Pénélope sans oublier la livraison en magasin. Juste avant la mise en vente, nous faisons un contrôle des produits, au moins trois fois par semaine. » Même après ces différentes étapes, Laurence Camus doit répartir au mieux l’organisation des magasins, entre vente, service et gestion. « Nous vendons tout type de vêtements sauf à thème (habillage pour la chasse, la pêche ou emploi spécifique), accessoires, chaussures, sacs à main… Pour les prix, nous avons un barème , réalisé par informatique, qui permet de nous repérer. Ce qui ce vend le mieux généralement, ce sont les vêtements pour dame ».

La charge importante de travail et son intensité n’empêchent pas Laurence Camus de faire une formation-vente à ses employées, d’autant plus que les magasins proposent les services de lavage, repassage et retouches aux clients. « Je les aide dans leur insertion avec la conseillère d’orientation de l’association, Nathalie Jimenez. A côté du travail en magasin, je leur donne des cours et des évaluations avec un livret de suivi. Elles sont jugées par exemple sur la prise en charge des marchandises, leur vérification, le remplissage des rayons en respectant les règles d’implantation… J’insiste particulièrement sur les situations difficiles que l’on peut rencontrer avec un client. Je n’hésite donc pas à faire des mises en situation. » Une clientèle qu’elle ne saurait pas vraiment définir. « Tout le monde recherche du petit prix aujourd’hui. Avant, les gens étaient réticents à l’idée d’acheter des vêtements d’occasion mais, maintenant, c’est rentré dans les mœurs ».

En dehors des compétences exigées pour la vente, l’autre aspect primordial que cherche à transmettre Laurence Camus, c’est la qualité de l’accueil. « Il faut apporter de la convivialité et de la politesse au client, qualités indispensables pour entretenir une fidélité. Qui sait si un jour ce client ne deviendra pas salarié chez Pénélope ?« . Une attitude qui permet aux magasins de prospérer et d’aller bien au-delà des objectifs souhaités. « Faire 4 % de plus que l’année dernière, c’est ce qui était envisagé à la base. Finalement, notre chiffre d’affaires devrait faire quatre fois plus pour la fin d’année. Cette réussite pourrait nous faire espérer quelques projets, surtout collectifs, comme ouvrir un autre magasin ou pourquoi pas un pôle de formation pour former les responsables de magasin ».

Ce métier, Laurence Camus l’a clairement dans la peau. Son travail avec l’association Pénélope aura mobiliser le meilleur en elle, autant chez la professionnelle que chez la femme tout simplement. « C’est beaucoup d’amour que je mobilise. Il y a toujours une partie de moi que je donne chaque jour. Avec toute mon expérience, j’ai de quoi former les filles. L’association réunit beaucoup de critères, mais surtout ceux humains. Pénélope a un bel avenir devant elle, notamment avec son directeur actuel ». Ces activités font plus que tisser le lien social, ils tissent l’espoir.

Adrien Doussot

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Un article de la rédaction du Journal de l’éco

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