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L’oscillation du pendule de Michel Martinez, économiste de la Société Générale

L’oscillation du pendule de Michel Martinez, économiste de la Société Générale

Tout mouvement est relatif. Si la Terre est en rotation, elle l’est par rapport à quelque chose et pour le comprendre il faut définir un cadre de référence. Le pendule de Foucault pose la question du repère qui sert de référence. C’est la même chose dans le monde de l’économie. Comme celui de Foucault, le pendule de Michel Martinez lui sert à comprendre et à projeter les mouvements non pas de la terre mais de l’économie, grâce à des modèles qui ont fait leurs preuves.


L’économie repart

Michel Martinez est économiste spécialiste de la zone euros et s ‘il exerce son métier à Londres, au plus près des marchés financiers, c’est au sein de la Société Générale qu’il opère, une banque bien française.

Michel Martinez est particulièrement confiant pour 2017 : «  Nous avons assisté en 2016 à de nombreux événements qui ont agité les marchés, mais la fin de l’année 2016 a marqué un tournant. Et cette embellie devrait se poursuivre en 2017 et au delà. » L’inflation qui était en panne dans la zone euros est repartie. Elle est aujourd’hui à 2% en Allemagne, à plus de 1% en France. La bonne nouvelle c’est que de retournement semble pérenne.

Une fenêtre ouverte : et après ?

Le risque de déflation a disparu. Les marchés ont un potentiel de remontée et les entreprises reprennent la main, moins soumises à la crise. Mais, si 2016 a tenu ses promesses, le risque serait de voir cet horizon s’obscurcir à nouveau. Pour Michel Martinez, «  c’est un vrai changement. Cette embellie va durer. » Les deux prochaines années ne seront pas encore impactées par le Brexit ni par les mesures que Trump a annoncées (baisse des impôts, réforme de l’Obamacar, protectionnisme,…). Mais la croissance est bien là et 2017 marquera le pas dans un contexte mondial plus favorable.

Un contexte de croissance mondiale

La croissance mondiale était de 2,6 en 2016 et il faut s’attendre à une accélération significative, de l’ordre de 3%, en 2017 et 2018. Par ailleurs, le prix des matières premières, tout comme les taux d’intérêt, vont suivre cette tendance. Les prix de la production mondiale remontent déjà. Les entreprises ont plus de capacité à imposer leurs prix et plus de latitude pour entreprendre ce qui donne une tonalité plutôt optimiste à l’horizon 2019. Les pays émergents (Brésil, Russie) sont sortis de la récession.

La Chine, élément moteur de la croissance mondiale

Son modèle de croissance est simple : il est dirigé par le crédit. Oui la Chine vit à crédit. Elle est l’un des pays les plus endettés au monde (270% de son PIB, contre 95% e France). Elle ne peut pas tenir ce rythme et recourir sans cesse à l’emprunt pour financer sa croissance (de l’ordre de 10 à 15% de PIB par an). Alors elle essaie de modérer sa croissance. En 2015 et début 2016, la Chine a laissé déprécier sa monnaie contre le dollar tout en conservant sa stabilité par rapport aux autres devises. Dans les 6 prochains mois, on devrait voir un ralentissement de la croissance mais modéré (6,5) bien que les économistes pensent que l’économie de la Chine va ralentir autour de 4,5.

L’économie américaine

La croissance américaine est bien là avec 2,5 millions d’emplois supplémentaires depuis 2010. Avec l’élection de Trump les économistes craignent que les cartes ne soient rebattues aussi jouent-il la prudence : il y a trop de flou. La Fed  (la banque centrale des États-Unis ) prévoit une remontée des taux et estime que l’inflation va se normaliser autour de 2%. Elle estime que la dernière récession américaine est loin derrière ( 2009) mais combien de temps va durer ce cycle ? Ne risque-t-il pas de s’essouffler ?

La hausse des salaires ajoutée à la charge de la dette va pousser les entreprises à freiner les embauches d’où une crainte des économistes : et si les Etats-Unis arrivaient en fin de cycle d’ici 2019 ? Pour les USA, l’euro est très déprécié actuellement (la parité EUR/USD est de 1,0787 ) alors qu’il devrait atteindre 1,30.

la zone euro gagnante

On prévoit une chute de l’euro mais à moyen terme l’eurodollar remonte. Deux facteurs expliquent cette bonne santé : « l’effet Trump » qui fera baisser le dollar grâce aux mesures protectionnistes prises par le nouveau président et la fin de la mise sous perfusion budgétaire des pays européens par la Banque centrale européenne (BCE). Les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas. Si la croissance repart il n’y a aucune raison pour que la BCE continue. Pourtant cette situation de perfusion de l’économie n’est pas durable. Tout laisse penser que la BCE va remonter ses taux ( actuellement négatifs) probablement dès le semestre prochain.

Le risque de déflation est dépassé

Tous les modèles de prévision de croissance sont à l’optimisme : 2,5% de croissance dans la zone euro tandis que la France, l’Italie, le Portugal réduisent leur déficit. Un excellent signe est déjà annoncé souligne Michel Martinez : «  le secteur de la construction a le vent en poupe et décolle rapidement et le taux de marge des entreprises est plus favorable ». Tandis que les profits , grâce notamment à la baisse des taux d’intérêt sont en augmentation également.. Ils n’ont pas été aussi hauts depuis 2009.

Qu’est ce qui a donc freiné la croissance de la zone euro par rapport aux USA ?  » Les banques européenne (sauf françaises et allemandes) n’ont pas suivi ; elles ont eu du mal à prêter » explique Michel Martinez. Mais on voit des signes d’amélioration depuis 2016 et depuis trois mois, les prêts aux entreprises et aux ménages ont augmenté.

Ce qui va plus rapidement impacter la zone euros et constituer un changement majeur est le retour de l’inflation avec une prévision en 2017 en 2018 autour de 1,7% en France.

Une France meurtrie par les attentats et qui se relève

La croissance française est de 1,1% avec 200 000 emplois crées et plus de TVA  payée. Ces signes montrent que économie repart. Pourtant 2 événements ont « plombé » la croissance française en 2016 : la chute du tourisme liée aux attentats. Une perte estimés à 4 milliards d’euros et la chute de la production agricole lourdement impactée par les intempéries : inondations, sécheresse évaluée à hauteur de 2/10e de points de croissance en moins.

La remontée du prix du baril de pétrole ne fait plus aucun doute. Il a déjà presque doublé et il va continuer bien que la riposte des Etats-Unis grâce au gaz de schiste ne se fera pas attendre. On peut donc penser que la hausse sera modérée. Et son impact sera relativement faible sur l’inflation.

Or tous les secteurs sont bien orientés : la construction remonte avec plus de mises en chantier, la capacité d’emprunt des ménages est supérieure aux prix et, du côté de la dépense publique, une hausse est observée. Les travaux du grand Paris pèsent pour 1/10e de pont de croissance de la France. Le taux de marges des entreprises est au plus haut depuis les années 90 et les profits des entreprises ont augmenté.
Pourtant ce que disent les marchés dans cette période pré électorale se traduit par « prudence » : jamais le paysage politique n’a été aussi fragmenté.



Un article de Chantal Moulin

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