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M-S, le partenariat public-privé booste l’innovation

M-S, le partenariat public-privé booste l’innovation
De gauche à droite : Hamid Berkani, Vice président du Conseil régional d’Auvergne, Cécile Guillaume,Directrice M-S, Alexandre Guillaume, Président M-S, Gilles Mailhot, CRNS

Il aura fallu moins de 3 ans à MS pour arriver à concevoir et fabriquer la première station de traitement des eaux pour l’élimination du chrome VI dans les eaux et boues de chantiers. Un prototype issu d’une étroite collaboration entre M-S, l’Université Blaise Pascal et le Conseil régional, sera en exploitation sur un gros chantier en France en février 2015.


M-S, une entreprise auvergnate

MS est une entreprise familiale auvergnate fondée en 1976 par des dirigeants actuels, Cécile et Alexandre Guillaume. Spécialisée à l’origine dans la conception et la fabrication de matériels de sablières dont elle tire son nom, l’entreprise consacre encore aujourd’hui 1/3 de son activité à ce secteur économique. Sa spécialité est la séparation hydraulique eau/minéraux avec recyclage de l’eau et valorisation des matériaux. MS intervient dans le traitement, le recyclage et la valorisation des boues de curage ou des sols pollués, des eaux issues de chantier de ruissellement, de rejets d’industries et la valorisation des sables et des granulats par lavage et classification pour l’industrie du béton, de la verrerie, de la céramique. Leader mondial dans le domaine des stations de traitement et de régénération des boues de forage, MS intervient sur des gros chantiers comme le percement du tunnel sous le Bosphore à Istanbul ou le percement d’un tunnel sous la mer à Hong Kong. Chaque jour, les installations mises en service par MS dans le monde clarifient et préservent 1 million de m3 d’eau.

Présent dans plus de 50 pays, avec plus de 800 mises en service, MS conçoit et fabrique ses installations à Veyre-Monton, et si 80% de son CA est réalisé à l’international, 90% de ses dépenses sont directement injectées dans l’économie régionale.

Une entreprise innovante et rayonnante

Forte d’une équipe dynamique intégrant un bureau d’études, M-S développe la conception, la fabrication et les services associés (mise en service, formation, SAV), des solutions « sur-mesure » de séparation liquide/solide et ceci dans le monde entier.

Une activité hautement précieuse pour la préservation de la ressource en eau que le prix national de l’entrepreneur de l’année « Ernst & Young / L’Entreprise », catégorie Business vert est venu récompenser en 2011.

M-S vient d’être récompensée pour sa  station de traitement des eaux pour l’abattage du chrome VI en chrome III. »  par le Prix du Développement Durable lors de l’Intermat Innovation Awards 2015. Ce prix est décerné par un jury de professionnels européens issus des secteurs de la recherche et de l’industrie, il récompense les efforts de recherches et d’innovations dans le domaine de la construction : « C’est une très belle reconnaissance. Intermat est un des plus importants salon du BTP avec 200 000 visiteurs par an » se réjouit Alexandre Guillaume.

Un enjeu de santé publique

Pourquoi cette innovation est-elle majeure ? Le chrome hexavalent ou chrome VI est une phase de dégradation du chrome qui le rend particulièrement nocif lorsqu’il est mis en contact avec la peau, inhalé ou ingéré. Il est souvent mis en cause dans les accidents liés au port de certaines chaussures ou vêtements en cuir causant irritations et lésions de la peau sous des formes parfois très graves. Le chrome VI utilisé comme antirouille est un polluant très toxique pour la qualité de l’eau car hautement cancérigène. Sa dangerosité est aujourd’hui reconnue et la réglementation vient d’introduire des nouvelles normes auxquelles les centrales à béton devront se conformer. Il est notamment présent dans les laitances des bétons, les effluents de tanneries et les rejets de traitement de surface.

L’élimination du chrome VI dans les eaux de lavage et les boues est une question de santé publique.

Paradoxalement, s’il peut être mortel au stade 6 d’oxydation, dans son état d’oxydation 3 (chrome III), il est inoffensif et constitue un oligoélément essentiel pour les humains.

Une collaboration Université-entreprise exemplaire

Spécialiste mondialement reconnue dans le traitement des eaux, l’entreprise M-S disposait d’une véritable compétence pour s’attaquer au problème. Sur la question de l’élimination du chrome VI, par contre, il lui fallait trouver un partenaire, spécialiste de la chimie des métaux et qui, de plus, s’intéresse à son projet. Or, Alexandre Guillaume, Président de la société M-S, est aussi un membre très actif au sein du cluster E2ia « Eco-Entreprises pour l’Innovation en Auvergne » qui regroupe des chefs d’entreprises, des laboratoires de recherches, des acteurs institutionnels. La chance a voulu qu’un grand spécialiste du sujet se trouve en Auvergne, à deux pas de l’entreprise, sur le campus des Cézeaux. Gilles Mailhot, Directeur de recherche au CNRS et enseignant à l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand (ICCF, Université Blaise Pascal) a immédiatement saisi la dimension du problème. Il manquait encore un 3ème partenaire, financier celui-ci, pour accompagner ce projet de Recherches et Développements pendant 3 ans. Le Conseil Régional aura injecté près de 300 000 euros pour la recherche avec, pour aboutissement, un brevet déposé il y a un an, suivi de la construction d’un prototype qui va être expérimenté en grandeur réelle, sur un gros chantier, à partir de février 2015.

Vice président du Conseil Régional en charge du développement économique, Hamid Berkani explique le triple intérêt de ce projet : « Nous avons trois bonnes raisons pour soutenir cette recherche : l’innovation est souvent déconnectée du monde économique ou industriel, ce n’est pas le cas ici. Le Conseil Régional a un outil qui permet de soutenir fortement les entreprises innovantes comme l’est M-S et enfin, Alexandre Guillaume est un chef d’entreprise qui donne beaucoup de son temps au bureau de l’Agence Intelligence économique de la région ».

La souplesse et la réactivité de M-S sont pour beaucoup dans ce succès estime sa Directrice, Cécile Guillaume : « M-S est une société indépendante ; nous n’avons pas besoin de réunir un conseil d’administration pour valider nos décisions alors ça va très vite. On peut construire une solution en moins de 12 semaines. » Cette réactivité est au cœur de la collaboration entre l’industriel et les chercheurs comme le souligne Gilles Mailhot : « j’étais impressionné, nous avons travaillé main dans la main.  C’est gratifiant pour nous en tant que chercheurs de travailler sur la plan de la santé. On essaie d’entretenir cette culture du partenariat PP à l’université. Université, entreprise. »

Des enjeux économiques importants

Les calculs sont vertigineux : il existe 2000 centrales à béton en France qui rejettent 1 million de m3 d’eau toxique par an. Si la norme de rejet (50 µg/litre) est bien au dessous du seuil de dangerosité, la moyenne actuelle de rejet de chrome VI dans le milieu naturel se trouve entre 100 et 400 µg/litre.

Alexandre Guillaume a bien étudié le marché : « Les centrales à béton ont fait de gros efforts pour améliorer leurs circuits d’eau et baiser de 20% leur consommation en 15 ans. Mais actuellement il n’y a que très peu de centrales en France en recyclage intégral. Par ailleurs, aucune des solutions proposées jusqu’à aujourd’hui n’est satisfaisante, résine échangeuse d’ions, nano-filtration, absorption (charbons actif), photo réduction, réduction chimique. Aucune n’est adaptée ».

Le procédé proposé par M-S est totalement différent. Pour faire simple, afin que les chimistes ne soient pas seuls à comprendre le processus, puisque le chrome VI est hautement toxique, il s’agit de le transformer en chrome III, qui est bénéfique, et en acidifiant les eaux à hauteur d’un PH7. La question qui se pose est donc : comment réduire ce chrome ? Avec une solution à base d’acide ascorbique, qui est également non toxique.

En théorie ça fonctionne, en laboratoire aussi jusqu’à la mise au point d’un prototype qui a confirmé le succès du process et pour un très faible coût de traitement. La quantité de rejet descend au dessous du seuil normé au bout de 5mn et à 8 µg/litre au bout de 10 minutes. Le Chrome III est récupérable par filtration sous la forme de petites billes. Pour réaliser ce traitement la machine conçue par M-S est un skid de 7 à 8 mètres de long (une station de traitement et de filtration montée sur une plateforme transportable) qui peut être installé sur tout chantier et usine à béton. Une fois la phase test sur un véritable chantier achevée, le Skid sera commercialisé, en France d’abord, car il est nécessaire de disposer de laboratoires de contrôle indépendants, puis à l’étranger.

Les retombées de cette innovation sur l’économie et l’emploi en Auvergne pourraient être conséquentes car, selon Gilles Mailhot « le chrome VI c’est une bombe à retardement. De grands débats ne manqueront pas de se tenir sur sa toxicité »



Un article de Chantal Moulin

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