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Passer à la caisse…

Passer à la caisse…

« Comment le Président peut-il dialoguer avec les intellectuels alors qu’il est plus intéressé par les problèmes économiques ou sociétaux du pays que par les enjeux culturels ? ». Ce sous-titre publié dans le Figaro Magazine du 23 mai 2015 dont le dossier principal était consacré à la perte de ses intellectuels par la gauche, résume assez bien la situation française, marquée par une franche rupture entre l’équipe qui dirige le pays et le monde culturel.


En s’éloignant de cette sphère, les dirigeants se coupent pourtant d’une aide précieuse. De tout temps les philosophes, les écrivains, les artistes ont eu une vision assez nette de la société et de ses évolutions, acceptant volontiers de devenir conseillers au service d’hommes politiques sans cesse à la recherche de solutions d’avenir. Tourner le dos à la culture conduit également à ignorer son impact économique, ce qui, stratégiquement, n’est pas très habile en période de crise.

Afin de mettre en lumière l’importance de l’industrie culturelle sur la bonne marche du pays, Pierre Moscovici et Aurélie Filippetti, alors ministres, avaient demandé aux inspections générales des finances et des affaires culturelles de mesurer le poids économique de l’industrie culturelle.

L’étude publié début 2014 met en évidence « un poids significatif du secteur » : En 2011 la culture a rapporté 104,5 milliards d’€ en apports directs et indirects à l’économie du pays. Cela représente 57,8 milliards d’€ de valeur ajoutée, soit 3,2 % du PIB national, une contribution proche de l’agriculture ou de l’industrie alimentaire, 2 fois supérieure à celle des télécommunications. Côté emploi, l’impact n’est pas négligeable non plus, puisque le secteur culturel représente 2,5 % de l’emploi actif en France avec plus de 650 000 postes.

Malgré ces chiffres, la culture reste pourtant un secteur souvent critiqué. S’il est vrai que le budget que lui consacre l’Etat est important et que le très fameux statut des « intermittents » pèse plus lourd que les autres statuts professionnels sur les finances de l’Unédic, il faut tout de même avoir en tête que grosso modo, chaque fois que l’état apporte un euro de dotation, le secteur en génère presque quatre. Est-ce que tous les secteurs qui bénéficient d’aides gouvernementales peuvent annoncer un ratio aussi favorable ?

Retenons qu’un des secteurs de l’industrie culturelle, le spectacle vivant, apporte à lui tout seul une contribution au PIB de 8.8 milliards d’€, contribution légèrement supérieure à celle de l’industrie automobile…

Prenons l’exemple de ce que coûtent à la France les mesures de soutien au secteur automobile en proie à une véritable débâcle depuis la crise de 2008. Additionnez les primes à la casse, le bonus-malus, l’aide à l’achat des voitures électriques, le fond de modernisation, les prêts bonifiés aux constructeur, les participations au capital social, les aides diverses parfois sans contrepartie, et vous obtiendrez une coquette somme que la culture pourrait bien envier. Retenons qu’un des secteurs de l’industrie culturelle, le spectacle vivants, apporte à lui tout seul une contribution au PIB de 8.8 milliards d’€, contribution légèrement supérieure justement à celle de l’industrie automobile…

Il serait donc bienvenu que les politiques, mais aussi les bureaucrates, élargissent un peu leur champ de vision et leur champ d’actions, mais comme la communication reste la priorité pour bon nombre d’entre eux, mieux vaut écouter un grand patron qui menace de fermer une usine avec des centaines de licenciements secs à la clé, qu’observer les résultats d’un secteur diffus, composé de milliers de micro-entreprises qui ne font aucun bruit lorsqu’elles ferment.

Néanmoins, à l’heure où les budgets culturels sont souvent les victimes de l’austérité, une poignée d’hommes politiques prend le contre-pied, bien conscients de ce que la culture peut apporter à l’économie. L’un des plus beaux exemples est malheureusement situé hors de France, c’est Manchester. Cette ville du Royaume Uni à tout misé sur la culture pour aborder sa période post-industrielle. Nombreux équipements et investissement conséquents apportent une formidable dynamique. Le secteur a créé de l’emploi, pousse la créativité et l’innovation des autres secteurs et attire des entreprises à la recherche d’un cadre de vie agréable pour leurs salariés.

Puisque la notion du « vivre ensemble » est sans cesse brandi comme un étendard, demandons aux intellectuels, ils en ont la capacité, de provoquer le nécessaire rapprochement politique et culture, car c’est maintenant prouvé, elle peut aider à « remplir les caisses ».

Une chronique de libre expression d’Olivier Perrot

Fondateur et dirigeant de Kanti SAS, entreprise spécialisée dans l’événementiel culturel  et l’accompagnement d’artistes,  Olivier Perrot enseigne également la communication et le marketing à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand  dans  les filières Conduite de Projets Culturels et Métiers du Livre.

Passionné par la musique et les médias, il participe dès 1981 à la fabuleuse aventure des radios libres et décide en 1984 d’abandonner ses études de Droit pour signer son premier contrat de travail dans une radio libre privée où il sera animateur puis journaliste. Il quittera le monde de la radio en 1994 alors qu’il est responsable d’une antenne Europe 2 pour rejoindre le groupe Fnac, en tant que responsable communication en charge de l’action culturelle. Cette aventure durera près de 20 ans, période durant laquelle il organisera à Clermont-Ferrand plus de 1000 rendez-vous publics consacrés à la musique et aux livres. Grand amateur de jazz, il a également été, pendant une décennie, secrétaire bénévole du Festival Jazz en Tête.

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