Formation, éducation

Accueillir le handicap en entreprise

Accueillir le handicap en entreprise
De gauche à droite : Laure Dupré, Directrice adjointe de l’ESCO Wesford; Julien Fournier, Directeur Cap Emploi 63; Stéphane Bridel, Secrétaire Général du Fonds de dotation Handicap & Société; Laurent Admirat, Responsable d’Activités Sameth 63; Aurélie Battier, Psychologue du travail à la Marie de Clermont Ferrand; Robert Pepey, Délégué Régional de l’Agefiph; Benjamin Massard, Ancien étudiant en situation de handicap; Pascal Quenet, Référant Handicap MSD Chibret

Le sujet ne devrait plus faire débat et cependant il est encore nécessaire de le dire emploi et handicap sont compatibles. C’est le thème d’une conférence organisée par
l’École Supérieure de Commerce et de Management ESCO Wesford en partenariat avec le fonds de dotation Handicap & Société.


Le handicap, un frein à l’embauche

Comprendre quels sont les freins et les obstacles relatifs à l’embauche des personnes handicapées afin de développer des actions concrètes en faveur de la formation et du maintien dans l’emploi est au coeur de la Responsabilité Sociétale des Entreprises. Patrick Gohet, Adjoint du Défenseur des Droits en charge de la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité ; Stéphane Bridel, Secrétaire Général du fonds de dotation Handicap & Société ; Robert Pepey, Délégué régional des AGEFIPH ; Julien Fournier, Directeur de Cap Emploi, Laurent Admirat, Responsable d’activités SAMETH 63, Patricia Varin, Responsable Relations Sociale chez MSD Chibret et Pascal Quenet, référent handicap, sont d’ardents défenseurs des droits des personnes handicapées dans l’entreprise. En les invitant à venir témoigner devant un public d’entreprises clermontoises et d’étudiants en alternance, l’ESCO Wesford a voulu sensibiliser le monde de l’entreprise à une problèmatique toujours d’actualité. C’est ce que révèle une enquête IPSOS de décembre 2014 : en 2012 le taux d’emploi direct des personnes handicapées n’atteint que 3,1 % dans le secteur privé et, pour 8 dirigeants sur 10, l’embauche d’une personne handicapée est jugée comme un acte difficile voire très difficile, surtout pour les petites et moyennes entreprises.

Une méconnaissance des dispositifs et aides

La multiplicité des intervenants et dispositifs, le sentiment de ne pas être véritablement accompagnés dans un processus lourd et compliqué, fait que de nombreux chefs d’entreprise renoncent à embaucher une personne handicapée, même lorsqu’ils souhaiteraient le faire. Les dispositifs en place restent très largement méconnus et complexes, tout spécialement pour les petites et moyennes structures. Selon un Directeur des Ressources Humaines cité par IPSOS « c’est moins difficile pour les grosses entreprises car celles-ci ont connaissance de ces systèmes, donc quand elles ont décidé d’embaucher un quota de personnes handicapées, ou d’aller au delà, elles s’adressent toujours aux bonnes personnes. Et les grosses entreprises ont constitué elles-mêmes des réseaux internes de formation et aussi de soutien à l’emploi de personnes handicapées » .

Pourtant l’objectif de 6% de handicapés dans les effectifs, bien que jugé réaliste par 60% des personnes interrogées, est loin d’être atteint. Benjamin Massard, ancien étudiant de l’ESCO Wesford en situation de handicap et titulaire d’un Master en ressources humaines, en sait quelque chose : son témoignage sur les difficultés et freins qu’il a rencontrés lors de ses recherches d’emploi et recrutements prouve que, quel que soit le niveau d’études, l’insertion professionnelle reste problématique. Le premier obstacle est d’abord constitué par un niveau de préjugés important comme le prouve la perception très différenciée entre employeurs actuels et employeurs potentiels de personnes handicapées : 66% d’employeurs potentiels estiment difficile d’accueillir une personne en fauteuil roulant contre 25% pour des employeurs déjà confrontés au problème. Ce sont, après les non voyants, les personnes qui ont le plus de difficulté à entrer dans le monde de l’entreprise car tous les handicaps n’inspirent pas le même niveau pressenti de difficulté d’embauche.
Vaincre les préjugés

L’inadéquation du handicap aux exigences du poste de travail est la raison la plus fréquemment évoquée ( 84% ) pour ne pas embaucher ou pour se séparer d’un salarié atteint par un handicap. Dans le second cas il existe des dispositifs pour accompagner la reconversion professionnelle au sein de l’entreprise et cependant on oppose souvent une perte d’autonomie, une perte de productivité, un surcoût trop important pour l’adaptation du poste de travail. Cette remarque, citée dans le rapport IPSOS, rend compte de la difficulté réelle ou supposée, à intégrer une personne handicapée, « Nos locaux ne sont pas adaptés pour recevoir des gens qui ont un handicap moteur, qui doivent se déplacer en fauteuil, c’est un type de handicap qu’on ne peut pas intégrer ou ça voudrait dire qu’il faudrait démolir et tout refaire pour mettre un ascenseur, etc. » Un autre obstacle, si l’on en croit les personnes interrogées, est la difficulté à faire accepter le handicap par les autres employés : « la première chose c’est la différence, ça peut déstabiliser, ou créer un sentiment de rejet, ou un peu négatif en tout cas au sein d’une équipe si ça n’est pas accompagné. Ça veut dire que l’intégration d’un collaborateur handicapé, ça s’accompagne, c’est du temps et donc cela peut constituer un frein. ».

Et l’éthique dans tout ça ?

Fort heureusement les chefs d’entreprise sont de plus en plus nombreux à pointer les aspects positifs du recrutement d’une personne handicapée : éviter de s’acquitter des pénalités entre en ligne de compte mais pas seulement. C’est aussi bon pour l’image de l’entreprise : « aujourd’hui, dans les grosses entreprises, on est dans une véritable promotion de la diversité, que ce soit au niveau du sexe, de l’origine ethnique, du handicap…. l’enjeu c’est d’ouvrir un peu les esprits, donc de développer la créativité, l’innovation, l’appréhension des autres, fluidifier les rapports de travail, cela a a une véritable incidence sur les rapports collectifs, dans les équipes ». Enfin, c’est surtout une question d’éthique et de solidarité : « Aujourd’hui, on a davantage conscience d’avoir une responsabilité sociétale… faire en sorte que chaque citoyen puisse avoir accès à l’emploi, mener une action vers un public défavorisé, en situation compliquée. ».

Paradoxalement, alors que les entreprises commencent à leur ouvrir leurs portes, le manque de formation dans les métiers à fort recrutement rend l’accès à l’emploi difficile ; il y a pénurie de candidats du fait de l’inadéquation entre le niveau de formation requis et le niveau atteint : « 80 % des travailleurs handicapés demandeurs d’emploi ont un niveau CAP ou inférieur ».
Un autre sujet d’inquiétude qui mérite que l’on s’attaque à cet autre visage du handicap.
A propos « Handicap et société » : Créé en octobre 2010 à Paris, le fonds de dotation « Handicap & Société » a pour objectif d’améliorer les conditions de vie, d’accueil et d’insertion des personnes handicapées en mettant en œuvre des actions innovantes dans les domaines de la santé, de l’emploi, de la vie sociale et des loisirs.  Le fonds de dotation « Handicap & Société » a une double vocation : Une action de mécénat en soutien à des projets associatifs, culturels, de recherche, d’emploi, etc. Une action politique et de recherche avec le Club Handicap & Société fondé sur le dialogue et la réflexion.

 



Un article de Chantal Moulin

Si vous avez aimé cet article,
partagez le !