Tourisme, restauration

Corent, un site archéologique à la recherche de mécènes

Corent, un site archéologique à la recherche de mécènes

Cet été encore, les fouilles réalisées sur le site archéologique du plateau de Corent auront fait la Une de nombreux medias, une notoriété justifiée par l’ampleur et la richesse du site auquel les chercheurs de toute l’Europe et des Etats Unis s’intéressent.
Mais si l’on parle de découvertes majeures à Corent, comment et avec quels moyens la valorisation du site peut-elle contribuer à porter l’identité d’un territoire et la vulgarisation scientifique d’une civilisation que l’on commence à mieux connaître : les Gaulois ?
Matthieu Poux, l’archéologue en charge depuis près de 15 ans de ce site, a fait le point pour le Journal de l’éco


 Autour du sanctuaire, une ville gauloise

Il ne se passe pas un jour sans que des visiteurs n’empruntent la route étroite qui conduit au plateau de Corent pour voir la ville gauloise se dessiner année après année. Guidés par la signalétique mise en place par le Conseil général du Puy-de-Dôme pour indiquer l’accès au sanctuaire, ils découvrent un vaste champ de fouilles qu’ils s’empressent de parcourir avant que les cultures ne les recouvrent à nouveau.

Car là est bien le problème de Corent. Le site n’est pas classé ni même inscrit et les labours le ruinent un peu plus chaque année. C’est une véritable course contre la montre que livrent Matthieu Poux et son équipe d’étudiants en archéologie : fouiller avant qu’il ne soit trop tard, relever les tracés des bâtiments et documenter le mobilier avant que les travaux agricoles n’effacent les témoignages d’un peuplement gaulois dont la présence est inscrite partout dans le sol.

Après le sanctuaire mis à jour en 2005 et mis en valeur depuis par le Conseil général qui en a restitué les contours et les différents enclos et bâtiments, la découverte d’un théâtre romain en 2011 et laissé à l’abandon depuis suscite bien des inquiétudes. Il s’agit là d’une découverte exceptionnelle que la communauté scientifique a aussitôt relayé : ce théâtre romain du 2e siècle avant notre ère est le plus ancien connu à ce jour en gaule.

Les collectivités territoriales, mécènes

Encore une fois, c’est le Conseil général du Puy-de-Dôme qui volera à son secours. Les terrains sont en cours d’acquisition et le théâtre fortement dégradé par l’érosion et « martyrisé », selon les termes même de l’archéologue, à coup de pelle mécanique, sera consolidé et pour partie, restauré.

Le Conseil général du Puy-de-Dôme a bien compris l’intérêt de ce site qui, au cœur du pays Arverne, raconte l’histoire de « nos ancêtres les Gaulois » et suscite un véritable engouement de la part de la population. La thématique « Arverne » avec ces lieux emblématiques autour de l’image de Vercingétorix, sont un point fort de l’identité locale, un outil majeur pour le tourisme et le classement de la chaîne des Puys au patrimoine de l’UNESCO qui on l’espère ne saurait tarder, fera du département du Puy-de-Dôme une véritable destination touristique.

Jusqu’à ce jour, l’effort culturel du Conseil général du Puy-de-Dôme dans le secteur de l’archéologie est conséquent mais les budgets des prochaines années, en raison d’une plus forte progression des dépenses totales, liée aux transferts de compétences, seront plus limités.

Rien d’impossible grâce au bénévolat

La restauration des vestiges du théâtre romain a été confiée à l’entreprise Jacquet (1), qui reconstruira le mur de scène cet automne tandis que le mur de l’orchestra, entièrement détruit pas les engins mécaniques, est en cours de reconstruction grâce au bénévolat des étudiants en archéologie venus fouiller le site cet été. Une main d’œuvre motivée, volontaire, sans laquelle le théâtre ne pourrait renaître comme l’explique Matthieu Poux : « Les étudiants vont reconstruire intégralement le mur avec des mortiers de chaux à la romaine. C’est pour eux à la fois un exercice pédagogique et un challenge. Il faudra ensuite remodeler le terrain autour, tel qu’il devait être et remettre en talus. La mise en prairie du site et la pose de panneaux seront réalisés par les services techniques du Conseil général. C’est un bon exemple de collaboration entre la collectivité territoriale et la recherche sur le terrain et qui permet, pour un coût tout à fait modeste de restituer l’ensemble du site. Avec une subvention de 5 000 euros, Luern (2) , l’Association qui prend en charge les fouilles archéologiques depuis 2001, s’engage dans ce travail de mise en valeur du site. Le bénévolat des étudiants est essentiel : financièrement, il permettra de faire une économie de 20 à 30 000 euros pour donner plus de visibilité à l’ensemble. Nous allons creuser des tranchées et couler du béton pour évoquer les murs. Un agriculteur est venu nous apporter une tonne à eau pour le béton. C’est une collaboration que nous souhaitons développer. Nous allons faire la preuve que, si on s’y met tous, la valorisation du site ne coûtera pas si cher au contribuable. Cela fait des années que le Conseil général nous soutient, nous espérons que des entreprises privées viendront aussi nous aider dans la restauration de ce site. Il faut sortir de la logique de profit. A Corent, on peut venir visiter le site gratuitement, s’y promener en famille et il faut que cela reste ainsi. »

Concrètement cela veut dire que l’association cherche un (ou des) mécènes (s) afin de pouvoir construire les gradins tels qu’ils existaient autour du théâtre. Il faudra du bois, beaucoup de bois. Luern n’a pas les moyens d’acheter les matériaux mais elle fournira la main d’œuvre pour que revive le théâtre. Non loin de là, un abreuvoir en pierre sèche a été entièrement reconstitué par l’Association, nous confie Matthieu Poux : « au fur et à mesure des découvertes, on peut redonner vie au quartier avec des poteaux pour délimiter la place, des pelouses pour souligner les espaces. » Vous l’aurez compris paysagistes, marchands de bois, charpentiers… Vous êtes les bienvenus !

Grâce à l’acquisition par le Conseil général de parcelles qui seront prochainement fouillées, le site sera définitivement protégé. Reste à le mettre en valeur. Et si c’était l’affaire de tous ?

Un outil de développement économique et touristique

En 2010, les dépenses culturelles des collectivités territoriales (Régions, Départements, communes de plus de 10 000 habitants et EPCI) se sont élevées à 7,6 milliards d’euros soit 118 euros par habitant. Un investissement dans les retombées économiques sont considérables car le secteur de la culture attire de nombreux spectateurs et contribue à augmenter l’attractivité des territoires. Corent n’échappe pas à la règle : si l’intérêt scientifique est l’atout majeur du site, les historiens ne sont pas les seuls à s’intéresser à la présence des Gaulois sur cet oppidum. Les Clermontois d’abord, les riverains bien sûr qui viennent à pieds en balade, mais de plus en plus les touristes qui s’arrêtent ici quand ils ne font pas le détour spécialement pour voir cet étonnant ensemble, vestige d’une grande agglomération gauloise.

Avec le théâtre restitué, Matthieu Poux se plaît à imaginer un développement culturel original pour le site : les romains donnaient dans ces lieux des spectacles de mimes, des petites comédies, des troupes de théâtre pourraient créer dans ce site. Je pense qu’un spectacle d’archéologie serait le bienvenu dont Luern ferait le scénario en prenant en compte l’alignement du théâtre sur le puy Saint-Romain. Il faut investir ce théâtre et l’optimiser, en faire un vecteur de l’attractivité de Gergovie Val d’Allier et du département de Puy-de-Dôme. »

A Corent, le théâtre commence tout juste à reprendre vie. Il se pourrait que le spectacle vivant lui donne une âme.

Informatiques pratiques :

Mécénat culturel mode d’emploi : Luern est une association d’intérêt général à vocation culturelle, les entreprises peuvent donc défiscaliser leurs dons à hauteur de 60 % qu’il s’agisse de dons en argent ou en nature (troncs d’arbres pour symboliser les poteaux comme dans le sanctuaire, planches pour construire les gradins, béton, etc.).

Les particuliers peuvent aussi déduire de leurs impôts les dons fait à l’association. Luern s’engage à mobiliser ces fonds à 50 % dans les fouilles et 50 % dans la conservation des vestiges dans une véritable logique de site archéologique.

1 Entreprise Jacquet : elle conduit notamment le chantier de la reconstruction du temple de Mercure au sommet du puy de Dôme.

2 Laboratoire Universitaire d’Enseignement et de Recherche en archéologie Nationale dédié à l’étude et à la promotion des vestiges archéologiques découverts sur le plateau de Corent et à ses abords. Organisme non lucratif d’intérêt général, il dispose d’un caractère scientifique et culturel visant à la mise en valeur du patrimoine historique et à la diffusion des connaissances scientifiques.

Vidéo : https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=J1VJhs1-DWI



Un article de Chantal Moulin

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