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Gilles Flichy : portrait d’un « metteur en scène dérangeant »

Gilles Flichy : portrait d’un « metteur en scène dérangeant »

Ils ne sont pas nombreux les chefs d’entreprises, présidents de clubs économiques et institutionnels Clermontois à ne pas connaître et apprécier Gilles Flichy. Homme de réseau, agitateur d’idées et humaniste engagé, Gilles Flichy vient de mettre un terme à sa carrière placée sous le signe de l’innovation, de l’intermédiation et de l’accompagnement des jeunes créateurs. Pour autant, pour Gilles Flichy la retraite ne signifie pas la fin de son engagement pour l’économie locale ! Il s’est confié au Journal de l’éco.


Ne parlez surtout pas de « retraite » à Gilles Flichy, notre homme n’aime pas ce mot-là. « La retraite pour moi, ce sera le dernier souffle ! », prévient-il en guise d’introduction. Ce fils d’un officier de marine et d’une artiste peintre a connu plus de vingt déménagements durant sa jeunesse et tout au long de sa carrière. De quoi alimenter un certain sentiment de déracinement qu’il comblera finalement en trouvant son port d’attache dans notre belle région d’Auvergne.

Des études classiques

Gilles Flichy intègre un IUT d’Administration des Collectivités Publiques et des Entreprises. Il a pour professeurs Lionel Jospin et Alice Saunier-Seïte, deux personnes qui occuperont par la suite des fonctions ministérielles mais dans des majorités différentes. Un antagonisme dont il s’amuse aujourd’hui et qu’il interprète peut-être comme la source de son attrait pour le dualisme. Il est admis ensuite à l’European Business School (EBS), la première école de commerce européenne dont il sort diplômé en 1974. S’en suivra un service militaire en tant que lieutenant de vaisseau dans la Marine nationale. Affecté sur le porte-avions Clemenceau, il n’en garde pas un souvenir impérissable : « J’ai fait des ronds dans l’eau. Le premier choc pétrolier ayant entrainé des restrictions, les navires étaient plutôt confinés au port. »

Une carrière essentiellement axée sur la banque et l’assurance

« C’est une erreur de parcours ! », s’amuse encore Gilles Flichy. «Au départ, je voulais être commissaire-priseur, antiquaire ou faire une école de décoration d’intérieur. » Pourtant, c’est bien dans la banque qu’il fait ses premières armes en intégrant Le Crédit Mutuel d’Ile-de-France. Déjà, il s’empresse de « faire de la banque  autrement » en recrutant, contre l’avis de sa hiérarchie, un attaché commercial au profil atypique et pour la seule raison que ce dernier écrivait des romans. Un premier challenge réussi qui en annoncera bien d’autres. Gilles Flichy fonde le club Assurance et Qualité et réalise un film de formation qui sera primé au festival de Biarritz en 1988. Après une période au sein des AGF, où il crée la fonction de chef de marché Banque & Assurance, il monte le 1er centre d’appel « Banque & Assurance » à Grenoble pour le compte de la Barclay’s. Il organise par la suite la première fusion d’une caisse de retraite complémentaire en 1992 où il regroupe, non sans mal, les centres de Blois et de Lyon. Gilles Flichy devient alors consultant spécialisé dans l’Out-placement pour les collectivités.

L’arrivée en Auvergne

En 1999, Gilles Flichy est repéré par un chasseur de têtes et se voit confier différents postes de direction au sein du groupe de protection sociale complémentaire AG2R La Mondiale. Il lance notamment la visioconférence et est chargé du contrôle-qualité. Il connaîtra, entre 1999 et 2015, pas moins de 3 fusions au sein du groupe. Une rencontre décisive survient en 2003 : celle de Frédéric Coureau, alors directeur de Pascalis. Ils créent ensemble les « petits-déjeuners de la création ». Il s’agit d’un moyen pour Gilles Flichy de se rapprocher des jeunes créateurs afin qu’AG2R puisse leur proposer des solutions de protection sociale. Une fois encore, sa hiérarchie ne saisit pas sa démarche : « Il faudra 10 ans pour que AG2R s’aperçoive que ces petits-déjeuners fonctionnent. Le Groupe a alors proposé des financements pour les organiser, mais c’était trop tard car le système coopératif que nous avions imaginé était déjà bien rodé. », se souvient-il. Ne comprenant pas que Gilles Flichy puisse faire des relations publiques tout en dirigeant un centre de gestion, sa hiérarchie lui propose alors une opportunité formidable qui consiste tout simplement à créer son propre poste : il devient Directeur Régional des Relations Institutionnelles Loire Auvergne. Une fonction qui lui permettra enfin de se confronter à ce qu’il considère être sa véritable compétence : devenir un « go-between* ».

Le « metteur en scène dérangeant »

Gilles Flichy confie : « C’est à ce moment-là que j’ai compris que mon rôle était de faire bouger les gens en les provoquant. Mais toujours dans le respect de leur personnalité. Je me suis impliqué dans énormément de réseaux afin d’avoir accès à toujours plus de contacts et notamment des chefs d’entreprises. Finalement, j’ai réalisé que mon rôle a toujours été de créer de la confiance, pas de vendre. » Il s’investit dans des mandats professionnels : Vice-président de la CPAM 63, Administrateur de l’URSAFF 63, de l’UIOSS 63 et du MEDEF 63 pour l’organisation de son meeting annuel. Il est aussi animateur du Club APM Auvergne Nouveau Monde, Animateur des 22 clubs de l’Interclubs du grand Clermont, fondateur des « Matinales RH », membre du bureau ANDRH 63 et de l’association Réflexe Brezet. « J’ai eu un mode de management original, reconnait-il encore. Je suis toujours sorti du cadre à chacun de mes postes. A la fin de ma carrière j’ai eu deux assistantes qui étaient en difficulté et qui, finalement, ont terminé à la première place de leurs écoles après que nous ayons revu ensemble leur orientation. Sur une faille se situe toujours un talent. Lorsque je vois les jeunes qui ne savent pas quelle orientation prendre, je leur dis que ce n’est pas grave. L’important c’est de cheminer, de persévérer et d’oser. »

La cessation d’activité et la renaissance

« Je viens en quelque sorte de mourir, là. » constate Gilles Flichy en ajoutant : « J’ai quitté mon poste, j’ai vidé mon bureau et fait le deuil de mon activité passée. Je l’ai accepté. A le fuir, on ne peut pas renaître. J’ai transmis ce que je savais et j’ai la conviction que c’est une opération humaniste, intelligente et dans l’intérêt de l’entreprise. Maintenant, je vais continuer à transmettre mais avec ce qui a du sens pour moi et lorsque j’y trouverais du plaisir. J’ai une petite déception cependant :  mes supérieurs n’ont pas jugé bon de me remplacer au poste que j’occupais chez AG2R La Mondiale. Je pense que dans 15 ans ils auront compris l’intérêt de la fonction. »

Passionné d’astrologie, de graphologie, de théâtre et d’écriture (notamment avec ses chroniques pour le Journal de l’éco), Gilles Flichy va avoir du temps pour lui et pour s’occuper un petit peu plus de son épouse et de ses 5 enfants, dont 4 sont des entrepreneurs épanouis. Il a trouvé refuge dans un relais de chasse du XIIe siècle situé non loin du Gour de Tazenat. « Cette maison, très bien restaurée, allie le confort et la tradition. Moi ce qui m’intéresse à présent, c’est d’établir des passerelles entre le passé et l’avenir. Ma demeure en est un peu le symbole. Je m’y sens bien. » Un projet qui lui tient tout particulièrement à cœur est la création de la « Maison du bien-être et de la bienveillance en Entreprise. » L’objectif est pour 2017, en partenariat avec Laurie Mondillon, grande spécialiste de la « Mindfulness* ». « J’ai la tête dans les étoiles et les pieds sur terre, reprend Gilles Flichy. Je crois à la spiritualité. Nous avons plusieurs dimensions, l’une émotionnelle, l’autre physiologique, l’autre intellectuelle et une autre spirituelle. Ces différents champs, il faut les visiter, les habiter. La méditation est un moyen pour cela. Lors de la méditation, l’activité du cerveau est dix fois supérieure à celle d’un homme en état de veille normale. Si vous cherchez quelque chose de précis en méditant, vous ne le trouverez pas. L’objectif est juste d’être présent. La seule sécurité est à l’intérieur de soi. C’est là qu’il faut la trouver. »

En ces heures sombres que nous traversons, voilà une pensée qui prend une résonance toute particulière.

* Go-between : intermédiaire
* Mindfulness : programmes  issus de la rencontre de deux univers en apparence complètement opposés: celui de la tradition philosophique orientale et des pratiques de méditation bouddhistes en particulier, celui de la recherche scientifique occidentale en psychologie, en particulier en neurosciences.



Un article de Thomas Fauveau

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