Institutions, Admnistrations et Collectivités, Territoires

La Cellule Prévention du tribunal de commerce anticipe les problématiques des entrepreneurs

La Cellule Prévention du tribunal de commerce anticipe les problématiques des entrepreneurs

S’il y a un lieu que chaque entrepreneur veut éviter, c’est bien le tribunal de commerce. Synonyme d’échec et de liquidation judiciaire, il est souvent accusé à tort d’être le fossoyeur des entreprises. Mais si certaines situations douloureuses ne peuvent parfois être évitées, tous les juges sont avant tout là pour accompagner les entreprises et ceux qui les créent, vers un maintien pérenne de leur activité. Rencontre avec la cellule prévention de Cusset qui assure un service individualisé pour présenter les solutions prévues par la loi. Bénévoles passionnés par leurs missions, les juges du tribunal de commerce de Cusset veillent sur les entrepreneurs de leur territoire.


Quand on entre dans le bureau de Jean-Louis Grenier, peu d’indices laissent entrevoir l’homme de loi.
Pas de robe, pas de distance froide derrière un prétoire, seul le code du commerce nous rappelle qu’on se trouve bien dans un tribunal. Jean-Louis Grenier, après 40 ans comme expert-comptable et commissaire aux comptes a décidé de s’engager il y a 7 ans comme juge, auprès du tribunal de commerce de Cusset, qui en compte 14 dont 4 femmes.
Ce dernier fait donc partie des 3.100 juges français, tous bénévoles, qui mettent leur expérience professionnelle au service des entreprises et des justiciables. Vice-président de ce tribunal de commerce, Jean-Louis Grenier s’est vu confier la mission de délégué de la cellule prévention, par le président du tribunal Gérard Muet.

‘’Un tribunal de commerce a deux missions principales : mettre en place les procédures collectives de type sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire ainsi que rendre un jugement lors des contentieux généraux. Mais aussi, et on le sait moins, organiser de la prévention pour toutes les entreprises dont les difficultés sont de nature à compromettre la continuité de leur exploitation. La prévention découle, notamment, de l’application de l’article L 611-2 du, code de commerce. Mon rôle est donc d’aider les entrepreneurs à anticiper les problèmes et les empêcher d’emprunter le couloir qui mène à la Chambre du Conseil’’, explique Jean-Louis Grenier, qui se bat depuis 3 ans, pour faire connaître ce dispositif de proximité.

Une cellule de prévention pour surmonter les difficultés

Mais comment faire entrer des entrepreneurs dans ce lieu que tous redoutent ?
‘’Avec de la pédagogie et de l’écoute’’ lance avec détermination le président Gérard Muet, ancien mécanicien de formation. Conscients du non fonctionnement du dispositif à ses débuts, les deux hommes se sont remis en cause et ont travaillé à une détection plus poussée : ‘’En 2014, nous n’avons rencontré que 50 personnes car tout était basé sur des entretiens spontanés provoqués par les entrepreneurs. Aujourd’hui c’est nous qui allons à eux’’, précise Jean-Louis Grenier.

En s’appuyant sur des indicateurs très concrets : signatures d’injonctions à payer du président (procédure qui permet au créancier d’un commerçant ou d’une société de s’assurer du paiement des sommes qui leur sont dues), inscriptions de privilèges auprès du greffe (organismes sociaux, trésor public …), la cellule prévention adresse une convocation à venir rencontrer le délégué. ‘’Nous faisons du cas par cas et ne convoquons pas systématiquement. Parfois le non dépôt des comptes est dû à une négligence et les défauts de paiement à un litige en cours. Et puis souvent la rencontre est indispensable, car des impayés cachent des problèmes bien plus graves qui les enferment dans des engrenages négatifs’’ reconnaît le délégué de la cellule prévention.

Une procédure de confiance pour soutenir les hommes et femmes entrepreneurs

Envoyée par courrier au domicile du chef d’entreprise pour ne pas alerter les collaborateurs, la convocation est souvent un choc pour ceux qui la reçoivent. ‘’Nous souffrons d’une image négative qui veut faire croire que nous aimons plus que tout mettre au plus bas les entrepreneurs. Bien sûr que non, nous avons tous choisi cette mission par conviction, de façon bénévole pour assainir le monde économique et soutenir ceux qui en ont besoin’’ tient à rappeler le président Muet.

Soucieux de ne pas brusquer les entrepreneurs, les deux juges couvrant les 2/3 de l’Allier et 80% de sa population, n’hésitent pas à faire des kilomètres à leur frais et dans leur voiture personnelle, pour les rencontrer chez eux.
Avec écoute, bienveillance et confidentialité, sans jamais donner des leçons ou faire la morale, ils écoutent le passé, la situation actuelle et les difficultés personnelles souvent liées au professionnel. ‘’J’ai besoin de tout mettre à plat et d’une connaissance totale de la société et de l’entrepreneur pour proposer des pistes légales. La clé c’est d’anticiper et de ne pas attendre le moment fatidique où l’on ne pourra plus rien faire’’ clame haut et fort Jean-Louis Grenier, qui sait que des solutions existent le plus souvent.
Sur 130 entretiens en 2016, seuls 20% ont en effet donné lieu à des procédures collectives. Alors souvent, la cellule prévention et ces juges permettent de libérer la parole, décharger des poids trop lourds et remettent les entreprises sur les rails.
Nomination d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur, sauvegarde ou redressement judiciaire, ensemble, la meilleure solution est trouvée pour chaque cas forcément unique. ‘’Un suivi est toujours opéré après les solutions légales afin d’accompagner les entreprises. C’est l’humain qui prime avant tout et la sauvegarde d’emplois. Nous allons toujours au bout de ce que nous pouvons faire’’ précise Gérard Muet.

Mais parfois, rien ne sert de s’acharner. La cellule de prévention est donc aussi là pour soutenir les professionnels dans la difficile période d’une liquidation judiciaire, afin de limiter les dégâts et leur permettre de mieux vivre l’après. Ne prenant jamais les décisions seuls, les juges du tribunal de commerce s’appuient sur les liquidateurs ou mandataire judiciaires même s’ils gardent toujours leur libre arbitre.

Jean-Louis Grenier et Gérard Muet Jean-Louis Grenier et Gérard Muet

Jean-Louis Grenier et Gérard Muet

 

Des juges impliqués et déterminés

Ouverte à tous et accessible en rendez-vous spontanés, la cellule prévention est donc à l’écoute des professionnels qui veulent anticiper et résoudre durablement leurs problèmes.
Aujourd’hui la prévention est l’affaire de tous, des acteurs économiques comme des experts comptables ou banquiers, qui prennent de plus en plus l’habitude d’indiquer la cellule prévention à leurs clients.

Soutenus en local dans leurs actions, les juges ne le sont que modérément dans l’exercice de leurs périlleuses missions.
Après la fermeture du tribunal de commerce de Moulins, l’Allier a perdu 4 juges. 14 hommes et femmes bénévoles se battent donc au quotidien pour rendre la justice dans les meilleures conditions.
Avec en moyenne 3 jours de travail pour le tribunal par semaine pour certains, les juges de Cusset ne renoncent pas et continuent de se former, à leurs frais, pour être toujours au plus près des lois et des solutions proposées aux entrepreneurs. ‘’C’est un vrai engagement et nous sommes souvent très touchés par les situations rencontrées. Nous ne voulons pas de médailles car ce service est aussi logique que d’apporter le pain à son voisin’’ conclue le président Muet qui œuvre aussi pour féminiser sont tribunal.

Pas de médaille non, mais peut-être seraient-ils tous heureux que l’on comprenne mieux ces missions qu’ils exercent avec passion et abnégation.

 

Rédaction Bénédicte Rollet, NOTA Bene, pour les carnets économiques de Vichy Val d’Allier Développement

Capture d’écran 2017-07-06 à 19.42.47

 



Un article de la rédaction du Journal de l’éco

Si vous avez aimé cet article,
partagez le !