Santé

Le livre d’Antoine Vial « Santé, le trésor menacé » lu par le Prof Stefan Darmoni-CHU de Rouen

Le livre d’Antoine Vial « Santé, le trésor menacé » lu par le Prof Stefan Darmoni-CHU de Rouen

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le dernier livre d’Antoine Vial. Disons-le tout net ! Antoine Vial est devenu un ami proche…


J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le dernier livre d’Antoine Vial. Disons-le tout net ! Antoine Vial est devenu un ami proche depuis que nous nous sommes croisés à la Commission Qualité de l’Information de Santé de la Haute Autorité de Santé (HAS) il y a dix ans. 

Ce livre est une ribambelle de vérités qui, se joignant l’une à l’autre, nous décrit une situation, en effet, difficile de la santé en France, que ce soit à l’hôpital public ou en médecine libérale.

Le livre d’Antoine touche au cœur le médecin de santé publique que je suis, ayant assisté depuis vingt-cinq ans aux difficultés croissantes de l’hôpital public, alors que la médecine de ville se transformait à une vitesse grand V ; j’ai eu la chance de remplacer mon père généraliste entre 1982 et 1993. Je peux juger de ces mutations, le plus souvent pour le pire (déserts médicaux par exemple), parfois pour le meilleur, par exemple, la création de structures de santé accueillant de nombreux professionnels de santé souhaitant collaborer entre eux. 

Tout est juste dans ce livre : les difficultés très importantes des personnes handicapées (je recommande d’aller voir le film « Patients », poussé par le souvenir de Matthieu, fils d’Antoine mais surtout petit-fils d’un double champion olympique, Adrien ROMMEL), l’abandon trop souvent des personnes âgées, qui dénote, selon moi, d’une explosion des liens familiaux dans notre pays.

Antoine nous décrit une technocratie sanitaire lourde et souvent en contradiction avec l’agence voisine, en particulier à Paris. Deux chapitres sont dévolus à la santé publique, que je crois connaître : le rôle central de l’économie de la santé a entraîné de multiples dysfonctionnements, alors que cette discipline universitaire n’est pas assez représentée, du moins dans les facultés de médecine. 

J’insisterai sur le chapitre sur les médicaments. Malgré des évolutions lourdes bien décrites dans ce livre (par exemple, la disparition progressive de la visite médicale en médecine de ville), le chemin éthique sur la gestion du médicament reste encore parsemé d’embuches multiples et parfois inattendues, du fait d’administrations trop lentes à prendre des décisions : nous avons lutté pendant six ans dans la commission sus-citée de la HAS pour promouvoir la création d’une base de données publique sur le médicament. Celle-ci a enfin vu le jour ! Mais les efforts doivent être continués et surtout largement amplifiés pour impacter réellement. 

Sur l’Internet, je rejoins l’avis du livre du danger des GAFA sur le traitement des données de santé disponibles sur ce nouveau média. Quant à l’accès à une information de santé de qualité, je ne peux qu’abonder avec l’auteur, ayant travaillé sur cette thématique depuis plus de 20 ans avec le développement de différents outils d’accès à la connaissance. 

Une critique néanmoins. Ce livre est un peu trop à charge. Antoine aurait pu citer des expériences de santé partagée et, me semble-t-il, réussies en France. Je ne prendrais qu’un exemple : le protocole ASALEE, qui repose sur le concept issu du Canada d’infirmière de santé publique, en charge de l’éducation thérapeutique dans les cabinets de soins primaires.

Les recommandations proposées par Antoine Vial semblent robustes et possibles. Antoine insiste sur le rôle central du patient, tout comme la médecine fondée sur les preuves avant lui. Mais Antoine va bien plus loin en proposant une santé beaucoup plus participative qu’auparavant.

Est-ce que le (ou la !) futur(e) président(e) de la république appliquera ces recommandations ? J’en doute fort et j’en suis, par avance, fort marri. Décidémment, le peuple de France est trop pessimiste et ce livre renforcera ce sentiment à la fois profond et étrange. 

* Santé, le Trésor menacé L’Atalante éditions, 15€ papier, 6,99€ numérique 

 

                                                                      Pr. Stéfan DARMONI



Un article de la rédaction du Journal de l’éco

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