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Les euros de l’effort

Les euros de l’effort

Mardi prochain, 6 mars, Châtel-Guyon accueillera l’arrivée d’étape de la célèbre course cycliste Paris-Nice. Un événement d’envergure qui rassemble près de 180 coureurs et bénéficie d’une couverture médiatique internationale. Occasion pour nous de nous intéresser aux retombées économiques du sport pour nos territoires. Longtemps considéré comme une activité improductive parce que l’apanage d’une classe oisive, le sport appartient pourtant bien aujourd’hui à la réalité économique.


La performance sportive de haut niveau suppose de lourds investissements, permis ou consentis par les pouvoirs publics et les sponsors, mais constitue aussi un spectacle payant, et surtout un support publicitaire. Ses répercussions positives sont réelles autant sur les territoires régionaux que sur l’économie nationale. Elles ont un impact économique dans l’économie et l’emploi régionaux, lié en particulier au bâtiment et aux travaux publics.

Pour exemple en 1997, le marché public des installations et équipements sportifs représentait 5,7 % du PIB français et 7,2 % de l’emploi total, ce qui est considérable. Il fait également souligner la constante évolution depuis 40 ans de la pratique du sport en tant que loisir, qui entraîne la consommation de vêtements et d’articles de sport, de services, commerciaux ou non, d’enseignement et d’animation. Certains chiffres rendus publics par plusieurs ministères font état d’un poids économique avoisinant les 30 milliards d’euros pour le seul domaine du sport en France, chaque année, sur la dernière décennie.

Poids économique du sport

Hors bénévolat (dont nous parlerons un peu plus loin dans l’article), le poids économique du sport dans l’économie française est évalué à 1,9 % du PIB, soit 34,9 milliards d’euros, représentant 275 000 emplois directs et plus de 400 000 en comptant les emplois indirects.

Les dépenses des ménages représentent 50 % de ces montants (15,2 milliards d’euros en 2005), contre 9,1 milliards d’euros pour les collectivités locales, 3 pour l’État, et 3,1 pour les entreprises. Selon la FPS (Fédération Professionnelle des entreprises du Sport & des loisirs), parmi les dépenses sportives des ménages 9,1 milliards sont consacrés à l’équipement de la personne en vêtements (44 %), chaussures (19 %), matériel et accessoires (33 %) et services associés (location, réparations, …) pour 4 %1. Les achats de services sportifs par les ménages (services fournis par les clubs sportifs, les centres de loisirs sportifs ou encore les spectacles sportifs) totalisaient déjà 6,4 milliards d’euros il y a 10 ans.

En France, la production nationale d’articles de sport représente 0,24 % du PIB. La Fédération française des industries sport & loisirs, encore elle, et la Fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs (FPS) ont publié une étude très complète sur le sport en France, sa pratique (58 % des Français déclarent exercer une activité sportive au moins une fois par semaine), le top 10 des sports en France (dans l’ordre : vélo, randonnée, natation), son poids économique (37 milliards d’euros, soit 1,9 % du PIB) et le marché des articles de sport (10,4 milliards d’euros, dont 10 % rien que pour les chaussures).

Des héros et des euros

Les Jeux olympiques de 1936 furent la première grande manifestation sportive à bénéficier d’une retransmission télévisée internationale, époque où les premiers sponsors, succédant aux anciens mécènes désintéressés, apparaissent dans les sports américains et anglais. Tout cela n’attira guère l’attention des économistes de ce temps. Les temps ne sont plus les mêmes. La dimension économique du sport ne s’improvise pas. Tout s’organise désormais en amont de l’événement.

N’en déplaise à Pierre de Coubertin, désormais la manifestation sportive n’est que le résultat d’une aventure économique et médiatique qui se vit en amont et en aval de la sueur des athlètes. Ainsi, en 2000, l’Australie, dans la perspective des Jeux olympiques de Sydney, avait investi massivement dans la préparation de ses sportifs, notamment en débauchant les entraîneurs du monde entier. Résultat ! La stratégie a spectaculairement amélioré les performances de ses athlètes. « Le sport est un creuset où s’entremêlent de la science, de la technologie, des médias, et pour tout dire, de l’argent et de la puissance économique » écrit Claude Genzling, auteur et journaliste.

Des valeurs rassurantes pour les sponsors

Les sponsors tentent d’associer leur image de marque à la réussite d’un champion ou d’une équipe voir d’un événement. Le sport a souvent une bonne audience à la télévision, ce qui contribue fortement à symboliser la compétitivité et le dynamisme de l’entreprise. Ce sont des valeurs rassurantes pour les sponsors, qui n’hésitent pas à investir d’énormes sommes dans le soutien des équipes ou des sportifs de haut niveau.

L’inflation des droits de retransmission sportive s’explique par la privatisation de chaînes de télévision dont la capacité financière est forte, mais aussi par le puissant impact des messages publicitaires pendant la retransmission des grands événements sportifs. En France, le cas du groupe Bouygues donne l’exemple d’une efficace concentration verticale. Le même groupe construit les stades en amont des événements sportifs, puis retransmet en aval par ses chaînes de télévision hertziennes ou cryptées les spectacles sportifs.  Source de prospérité pour certaines fédérations, la télévision tend à hiérarchiser, mais aussi à transformer les sports en fonction de ses contraintes propres. Ainsi, TF1, offre moins de spectacles sportifs que ses concurrents, mais diffuse les plus importants en termes d’audience, notamment le football et ses différents championnats. Aux États-Unis, les chaînes américaines ont imposé le tie-break afin que la durée d’un match de tennis n’excède pas le « format » du programme.

Importance du bénévolat pour le sport et développement

L’implication des bénévoles est aujourd’hui indispensable au bon déroulement de nombreuses compétitions sportives ainsi qu’à de nombreux programmes de développement basés sur le sport. Même au plus haut niveau de la compétition, la présence des bénévoles est un formidable atout. Aux Jeux olympiques de Rio, on comptait pas moins de 50 000 bénévoles investis pour le bon déroulement de la manifestation que ce soit aux côtés des athlètes, des journalistes ou des spectateurs. Le bénévolat est de fait une véritable épine dorsale des manifestations de grande ampleur, mais aussi du déroulement du sport au quotidien.

En Europe, 34% des citoyens engagés dans le bénévolat le font dans le domaine du sport. Arbitres, entraîneurs ou formateurs, les bénévoles peuvent couvrir différentes fonctions indispensables au bon déroulement des activités physiques et sportives au cours de l’année. En tant qu’action civique et volontaire, le bénévolat constitue une forme d’éducation non-formelle importante pour les jeunes, ne serait-ce que du point de vue éducatif en leur transmettant une série de qualifications (comptabilité, encadrement). Le bénévolat permet aussi de développer l’esprit d’équipe, ainsi que de développer l’ouverture d’esprit. Les constats récents montrent que des formes différentes de bénévolat sportif apparaissent. Certains bénévoles ne s’investissent dans les clubs sportifs que pour la durée de la pratique sportive de leurs enfants. Ces nouveaux bénévoles détiennent parfois des compétences professionnelles (gestion, administration, comptabilité) qu’ils mettent volontiers au service des clubs. Cette évolution peut poser des problèmes aux clubs quant à la stabilité de leur organisation.

Le mouvement sportif est confronté aujourd’hui à la montée des exigences de compétence et de performance. Les pratiquants, quel que soit leur domaine d’investissement, les formes de leurs pratiques, demandent à être encadrés par des animateurs formés. La simple mise en mouvement des individus est maintenant insuffisante, une transformation visible des pratiques est attendue. Ce changement majeur place le bénévolat face à l’acquisition de nouvelles compétences. Certaines associations se développent ou atteignent un certain niveau de pratique compétitive. L’association sportive est proche alors, dans sa gestion, d’une petite entreprise.

À ce niveau de développement, des compétences d’administration et de gestion s’imposent. Cette évolution s’est en partie soldée par l’apparition de techniciens sportifs salariés des clubs. Leurs apports sont indispensables, mais ils sont encore peu nombreux car il faut que les clubs assurent leur rémunération. Leur présence au sein du club ne doit pas mettre à mal l’organisation bénévole qui est au cœur du mouvement sportif. Néanmoins, la responsabilité politique de la très grande majorité des clubs sportifs, demeure dans la volonté à toujours être tenue par des dirigeants bénévoles.

 

Par Marc-Alexis Roquejoffre

 



Un article de Marc-Alexis Roquejoffre

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