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L’usine 4.0, l’humain au cœur de l’économie

L’usine 4.0, l’humain au cœur de l’économie

Dans un contexte de relocalisation, les usines vivent actuellement un véritable « bouillonnement » induit par la numérisation et l’interconnexion croissante des machines-outils, voire des usines entre elles. Tout cela n’est pas sans conséquences sur l’organisation du travail qui rencontre, à l’aube de cette 4e révolution industrielle, un bouleversement sans précédent. Pour en discuter, le Journal de l’éco a rencontré Olivier Blachon, membre du comité de direction en charge du développement international pour le Groupe Visiativ.


Ingénieur diplômé de l’ECAM Lyon, Olivier Blachon a, dès le début de sa carrière, choisi le secteur de la vente de logiciels de CAO afin, dit-il, de « permettre aux ingénieurs de consacrer leur temps à analyser des valeurs plutôt que d’en perdre à calculer des données. » Il intègre le groupe Visiativ, occupant successivement les postes de Chef de Projet, responsable des activités de services, directeur des opérations de revente des solutions Dassault Systèmes et, enfin, directeur du « Business Developpment » et de l’International. En plus de ces fonctions, il représente le Syntec Numérique au sein de l’Alliance pour l’Industrie du Futur.

Les années 1990 et l’apparition de la numérisation

A partir des années 1990, les outils de CAO (Conception Assistée par Ordinateur) connaissent une forte expansion et deviennent accessibles à l’ensemble des ingénieurs. Cette capacité à numériser le produit entraîne des conséquences importantes sur les process industriels, et, devant l’accroissement du commerce mondialisé, la situation impose de s’ouvrir à l’export. Ce qui rend obsolète la façon classique de produire. « Les industriels du numérique dont nous faisons partie, comme éditeurs de logiciels, ont travaillé sur la simplification et la réduction des coûts, afin de rendre les logiciels accessibles aux utilisateurs. », constate Olivier Blachon, ajoutant : « Une double synergie portant sur la simplification de l’accès aux technologies et une réflexion sur ses usages par les industriels, ont contribué à un essor important du numérique. »

L’arrivée d’Internet, l’accès à l’information et le développement des objets communicants et autonomes

« Un des grands enjeux a été de donner un accès à l’information aux collaborateurs en situation de mobilité. L’année 2000 a marqué l’entrée d’une société connectée en permanence. Cela préfigure ce que nous connaissons actuellement, à savoir une tendance à la connexion de l’ensemble des points, qu’il s’agisse du collaborateur, de la machine, de l’usine et même des usines entre elles.» déclare encore Olivier Blachon.

La machine-outil d’aujourd’hui est en mesure d’établir un auto-diagnostic et, en cas de dysfonctionnement, capable de reprogrammer l’ensemble des machines en aval de la chaîne de production pour traiter une autre série de produits. Il existe donc déjà des machines en mesure de prendre des décisions. Olivier Blachon présage que « l’étape suivante, dont nous vivons déjà les prémices, va sans doute permettre d’aller vers un système de prédiction des pannes d’une machine, de l’usine complète, et ce grâce au big-data. »

La relocalisation et l’hyper-spécialisation

Les délocalisations d’industries que nous avons connues visaient à répondre à la problématique d’une baisse des coûts de production. Elles ont eu pour conséquences des pertes de savoirs-faire et des baisses de qualité. La tendance actuelle est à la relocalisation afin de répondre à une demande croissante des consommateurs, qui veulent chacun un produit différent de leur voisin. Comme le constate Olivier Blachon : « Nous sommes passés des grandes séries à la spécialisation. Les usines doivent s’adapter en étant capable de réaliser la production de plusieurs petites séries, sans pénaliser le rendement. L’objet connecté, grâce à des technologies telles que la puce RFID, porte l’information de ce que doit faire la machine-outil. Visiativ va même plus loin que l’Alliance de l’Usine du Futur en parlant d’entreprise du futur. En effet, nous considérons que l’ensemble des services de l’entreprise doit repenser leur façon de travailler en utilisant les outils numériques. Nous ne pouvons plus imaginer de nos jours un bureau d’études, par exemple, qui serait déconnecté de la production.»

Des solutions de plus en plus accessibles à toutes les entreprises

Les logiciels sont développés aujourd’hui pour convenir à 80 % des usages. Il faut en effet établir des standards afin de faciliter une interconnexion des machines, voire des usines entre elles. C’est là l’un des enjeux principaux de l’Alliance pour l’Usine du Futur, reconnaît Olivier Blachon : « Le but avoué est clairement d’influencer les offices de création de standards. Et cette standardisation doit se faire au-delà de l’échelle nationale. Dassault Systèmes en est un très bel exemple, mettant aujourd’hui ses technologies au service de tous les avionneurs du monde. Mais l’enjeu actuel est vraiment de rendre accessible les nouvelles solutions numériques aux PME/PMI. »

Remettre l’humain au cœur de l’usine et de l’économie

S’il s’agit là du dernier point abordé, il n’en demeure pas moins le plus important. « C’est même un des points forts de la France en la matière. », analyse Olivier Blachon. « Nous assistons à une révolution où l’humain passe d’un poste d’acteur du travail à celui de pilote responsable, tout en étant capable de faire jaillir les améliorations et les innovations. Tous les métiers touchant à la maintenance industrielle sont en train d’exploser. La main d’œuvre que certains considéraient autrefois comme un mal nécessaire, est en passe de devenir une main d’œuvre hautement qualifiée produisant une forte valeur ajoutée. Beaucoup de nouveaux métiers vont apparaître avec l’augmentation des capacités physiques et cognitives (exosquelettes, réalité augmentée), sans compter ce que va apporter la collaboration future avec les robots. »

Cette réalité de l’apparition de l’Usine 4.0 oblige aussi à repenser les programmes scolaires et ceux de la formation continue : « C’est pour cette raison que nous avons décidé de faire entrer le monde Académique dans l’Alliance pour l’Usine du Futur, car les jeunes doivent être formés dès maintenant afin de pouvoir rejoindre cette aventure. Mais il faudra très probablement faire sauter certains verrous culturels et sociaux», conclut Olivier Blachon.



Un article de Thomas Fauveau

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