Finance

Marc Halévy : « L’heure de la frugalité matérielle a sonné ! »

Marc Halévy : « L’heure de la frugalité matérielle a sonné ! »

Le Journal de l’éco ouvre ses colonnes à Marc Halévy, physicien et philosophe français que l’on ne présente plus. Depuis 40 ans, Marc Halévy élabore des théories, modèles et méthodes pour les processus complexes et les applique aux systèmes socioéconomiques humains, notamment dans le cadre de ses activités de prospectiviste renommé. Pour lui, le monde bascule du matériel à l’immatériel. Explications.


La pensée économique a trop négligé l’essentielle dialectique entre patrimoine et revenu. C’est une grave erreur, tant pour les dimensions matérielles que pour les dimensions immatérielles.

Toute activité économique a pour finalité de produire de l’utilité (matérielle et/ou immatérielle) en échange de laquelle elle récolte des moyens (matériels comme l’argent ou immatériels comme l’expérience).

La grande question est : que fait-elle de ces moyens ? Dépense-t-elle ou thésaurise-t-elle ?

Techniquement, qu’est-ce qui est vraiment représentatif d’un personne, d’une entreprise, d’un État : son compte de résultat ou son compte de bilan ?
Il est clair, aujourd’hui, que les classements économiques favorisent les critères de salaire, de chiffre d’affaires et de PIB. La notion de compte de bilan n’existe même pas pour les États qui, de ce fait, peuvent saccager, piller et épuiser, sans vergogne, leurs patrimoines naturels et culturels.

Jusqu’il y a peu (disons jusque vers 1975), le patrimoine importait bien plus que le revenu. Le financiarisme américain a inversé la donne avec, pour conséquence, une abominable propension à l’endettement (des ménages, des entreprises et des États). Une dette est un patrimoine négatif, ne l’oublions pas.
Bien des entreprises cotées en Bourse s’endettent afin de payer des dividendes somptuaires à leurs actionnaires … ce qui est proprement aberrant : ce faisant elles remplacent la valeur actuelle de leurs actions par le miroitement de promesses futures !

Mais l’heure de la frugalité matérielle a sonné c’est-à-dire l’heure de la fin du consumérisme matériel, de la croissance matérielle, des revenus matériels, etc.
L’heure est déjà à l’économie de l’immatérialité : économie de la connaissance (le patrimoine immatériel), de l’information (le flux immatériel), du talent (et non plus de l’argent), de l’être et du devenir (et non plus de l’avoir et du paraître), du bien-vivre et de la joie (et non plus du beaucoup-posséder et du plaisir)…

La richesse n’est déjà plus financière et matérielle, mais bien intellectuelle et spirituelle ; la richesse n’est déjà plus extérieure, mais bien intérieure ; l’unité de richesse n’est déjà plus la monnaie, mais bien la joie.

Bien sûr, comme toujours, les masses, enlisées dans l’éternel panem et circenses, et tellement demandeuses de « servitude volontaire », n’entendent pas cette mutation paradigmatique, n’en veulent pas et se révolteront violemment contre son avènement. Mais il n’y a pas le choix. Les dés sont jetés. Le patrimoine matériel de la Terre a été pillé et saccagé, et est devenu largement incapable de satisfaire aux caprices imbéciles des masses insatiables.

Face à celles-ci, les élites d’aujourd’hui sont déjà celles de l’intériorité. Les patrimoines et héritages de demain s’appellent déjà « métier, connaissance, sagesse, art de vivre, joie, contentement, spiritualité…« . A bon entendeur !

Marc Halévy



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