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Le crowdfunding pour échanger, tester les projets auvergnats et les porter à maturation

Le crowdfunding pour échanger, tester les projets auvergnats et les porter à maturation

Si en France on parle plus souvent de crowdfunding que de financement participatif cet anglicisme ne saurait persister très longtemps dans notre langue grâce à la réforme de la loi qui autorise désormais les porteurs de projets à lever jusqu’à un million d’euros sur les plateformes de financements participatifs.


De quoi s’agit-il ?

 Nombreux sont les entrepreneurs à qui, au moment de la création de leur société, manquent quelques dizaines de milliers d’euros pour constituer leur fonds ou pour réaliser les investissements nécessaires à la réussite de leur phase d’amorçage. Or, à côté des dispositifs bancaires sollicités en première instance, une nouvelle forme d’économie solidaire s’est développée à grande vitesse depuis ces deux dernières années via des plates-formes participatives. Ces plateformes de financement installées sur Internet permettent à des particuliers d’investir en capital, et d’acheter des actions d’entreprises en création ou tout simplement de faire un don pour soutenir ou en pré-achat d’un produit, le plus souvent culturel.

La plus connue, MyMajorCompany, s’est fait connaître en France en permettant aux musiciens et aux groupes de faire financer  la production et la distribution de leurs créations par leurs admirateurs eux-mêmes en faisant la promotion auprès de leurs amis et fans mais également sur les réseaux sociaux (Facebook, You Tube, etc.).

Le financement participatif favorise ainsi l’entraide pour le soutien de projets dont certains ne verraient peut-être pas le jour sans ce « coup de pouce ».

Mais il existe de nombreux autres types de participation selon la définition empruntée à  Claire Bouleau (Les Echos) : «  La finance participative (en anglais, crowdfunding) est une expression décrivant tous les outils et méthodes de transactions financières qui fait appel à un grand nombre de personnes pour financer un projet. »

Ce nouveau mode de financement permet à une entreprise d’associer son propre réseau à son développement : ce sont notamment ses clients, ses salariés et ses fournisseurs car une levée de fonds en crowdfunding s’amorce en grande partie par la mobilisation de la communauté formée autour du porteurs de projet.

Les différents types de financements participatifs

Le type le plus élémentaire de crowdfunding est le don-contre-don, un don d’argent avec ou sans contrepartie. Ce mode de financement est souvent sollicité par des créatifs désireux de diffuser leurs œuvres, et disposant d’un réseau qu’ils savent mobiliser. Cette forme de don sert parfois d’amorçage dans le cadre de la création d’une entreprise voire même d’apport initial en vue d’obtenir un financement bancaire. Les fonds levés restent modestes

Le prêt participatif : certaines plateformes permettent aux particuliers de prêter de l’argent à des porteurs de projets. Les plateformes disposant d’un tout nouveau statut de « Conseiller en financement participatif » vont pouvoir s’adresser à des investisseurs privés, très encadrés puisque chaque investisseur ne peut prêter plus de 1 000 euros par projet, et chaque projet n’est autorisé à récolter plus d’1 million d’euros.

Ainsi, la réforme de la loi portée par Flore Pellerin lève le monopole bancaire et « c’est un domaine qui pourrait exploser avec la nouvelle loi sur le financement participatif » annonce Nicolas BALEYDIER, chef de projet « coach web » à l’Agence Régionale de Développement des Territoires d’Auvergne (ARDTA), prenant pour exemple UNILEND, plateforme lancée il y a 4 mois à peine et qui propose pour le lancement d’une entreprise des prêts allant de 56 000 à 250 000 euros au taux moyen de 8,2 %. Enorme me direz-vous, mais avec l’avantage de pouvoir compléter un prêt bancaire car plus souple et plus facile d’accès. Personne ne prétend que le prêt participatif est destiné à remplacer le prête bancaire, mais c’est, sinon une alternative, un mode de financement permettant de boucler un tour de table.

L’investissement (Equity) ou financement participatif  en capital, est le troisième type de financement participatif : il consiste en la prise de participation en actions dans les entreprises. Les investisseurs deviennent alors actionnaires. NEURONAX, start-up dans le domaine de la biologie en recherche de 150 000 euros a pu boucler son tour de table grâce à la plateforme WISEED. Les actionnaires sont représentés par la plateforme qui crée un holding pour la circonstance.

Avec la nouvelle loi, les plateformes seront labellisées et continueront vraisemblablement à se spécialiser.

 L’Auvergne, à la pointe de l’innovation

 Dans son rôle d’accompagnement des créateurs d’entreprises, l’ARDTA accueille un nombre important de porteurs de projets désireux de s’installer dans la région. Leurs chargés de mission savent combien l’étape « banque » est primordiale dans tout projet de création ou de reprise d’entreprise d’où l’intérêt d’intégrer le Financement Participatif dans l’élaboration de son plan de financement afin que celui-ci fonctionne comme effet levier pour décrocher un prêt bancaire ou des aides publiques (comme pour l’accès au fonds investissement Auvergne qui doit être adossé à un prêt bancaire). Le crowdfunding peut apporter les premiers euros qui vont déclencher la participation des autres financeurs publics et privés.

Par ailleurs, confirment les accompagnateurs de projets comme Nicolas Baleudier, « la finance participative est souvent un bon moyen pour tester des projets en phase d’amorçage, faire connaître le produit, mobiliser son réseau et vérifier si les clients sont prêtes à suivre. Le crowdfunding peut donc fonctionner comme un véritable outil d’étude de marché, de validation de l’intérêt pour le projet et construire autour de soi une communauté. »

Pour les porteurs de projet en France, certaines plateformes de « crowdfunding » comme ULULE sur laquelle les projets auvergnats peuvent voir le jour, vont plus loin que la seule levée de fonds en permettant au futur entrepreneur de se constituer un véritable réseau social pour échanger, tester son idée et la porter à maturation. Le financement participatif permet alors aussi bien d’éviter l’isolement des entrepreneurs, qu’il pallie la carence des modes de financement « classiques » dans cette période où les banques semblent plutôt frileuses.

ULULE, 90 projets proposés depuis 2012

Solidarité, partage, dynamique, visibilité c’est ainsi que Véronique Jal (Auvergne Nouveau Monde) et Nicolas Baleydier présentent les caractéristiques de la plateforme européenne ULULE qui accueille bon nombre de porteurs de projets auvergnats : la première opération réalisée en Auvergne en 2012 a permis d’accompagner 18 projets et de lever 50 000 euros. En 2013, 46 projets ont été promus sur Ulule avec un certain succès puisque 3 000 donateurs ont permis de réunir 120 000 euros. Et les Auvergnats ne sont pas seuls à aider les Auvergnats car la plateforme donne aux projets une grande visibilité apportant des dons dépassant largement le périmètre de la région.

Encore faut-il se professionnaliser pour que ça marche : Ulule est une plateforme type « Don pour Don » dans laquelle la compétence en communication numérique et l’investissement du porteur de projet sont primordiaux : «  savoir communiquer sur son projet: mettre des photos, de la vidéo, des liens, donner une description précise de son projet, être très concret, étudier les contreparties à proposer de manière à intéresser les contributeurs, être le plus attractif possible » estime Nicolas Baleydier. «  Le facteur majeur de réussite est dans la façon de communiquer du porteur de projet. »

D’où la nécessité, pour les chargés de développement des collectivités territoriales avec l’appui de l’ARDTA, d’aider les porteurs de projet à prendre conscience de la nécessité de maîtriser Facebook, mailing, gérer son propre blog d’actualités, élaborer une stratégie de communication pour animer son projet sur la plateforme.

C’est ce que les employés de la librairie des Volcans, réunis en SCOP pour sauver leur entreprise, ont découvert en abordant la plateforme Ulule. Le projet intitulé « Sauvons la librairie des Volcans » a demandé un fort investissement des porteurs du projet eux-mêmes avant de faire appel à la solidarité pour récolter des fonds : « Il a fallu réfléchir à une contrepartie adaptée, au seuil à atteindre, chercher comment accrocher les gens puis, une fois le projet mis en ligne, être très actif, diffuser des informations, auprès de son réseau, mobiliser. » Un investissement énorme que leur porte-parole estime à 5-6 heures par jour. Résultat : une collecte de  45 886 euros pour 20 000 euros demandés. Déduction faite des frais de la plateforme (8 %), les Volcans ont trouvé la confirmation du bien fondé de leur démarche et du soutien de la population.

Perspectives 2014/2015

Sans accompagnateur, il est difficile d’aller sur une plateforme, particulièrement si l’on n’est pas déjà un « virtuose » d’Internet ni un habitué du surf sur les réseaux sociaux.

L’ARDTA met à disposition des entrepreneurs ses compétences pour les aider à définir leur stratégie de communication, à définir les contreparties, le montant nécessaire (car le financement n’est acquis que si le seuil demandé est atteint), à constituer des listes de diffusion, animer une page Facebook, un blog qui feront le lien entre le grand public et la plateforme.

En 2014, l’ARDTA a inscrit à son programme des journées d’information et de formation pour les agents de développement territoriaux et pour les porteurs de projets.

Cet accompagnement prendra aussi, dès cette année, d’autres formes plus offensives, avec une véritable stratégie de communication, orchestrée par Auvergne Nouveau Monde dont l’objectif est de travailler sur l’image et la perception de la région.

Mais d’ores et déjà en projet, le développement d’une plateforme régionale offrant les 3 types de financement avec gestion en direct du don pour don est sur le point d’émerger : « L’idée est de fournir le service aux partenaires et de mobiliser les territoires en étant ouverts au plan national et pas seulement visibles en région » précisent Nicolas Baleydier et Véronique JAL. « Nous envisageons également de renforcer la mobilisation citoyenne en proposent aux gens de voter sur les projets. C’est une approche plus sélective qui permet la médiatisation.* Vraisemblablement, la plateforme régionale devrait voir le jour à l’automne ou au plus tard début 2015.

Où s’informer :

http://www.auvergnepro.com/

http://fr.ulule.com/

http://www.auvergne-nouveau-monde.fr/



Un article de Chantal Moulin

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