Numérique, Informatique & Télécom

Enjeux et défis du numérique, une conférence de Jean-Marc Monteil

Enjeux et défis du numérique, une conférence de Jean-Marc Monteil

Parce que la question du numérique bouleverse tous les secteurs de l’économie et impacte notre manière de vivre, Jean-Marc Monteil, universitaire, président du Comité de Développement du Grand Clermont, a été chargé par le Premier ministre d’une mission interministérielle sur le développement du numérique.
Cette conférence et la table ronde qui suivait l’intervention de Jean-Marc Monteil étaient organisés par EDF, le Journal de l’éco était partenaire de cette belle initiative.


Le numérique n’est plus une utopie

Depuis peu, nous sommes en train de basculer vers une économie numérique. Pour Jean-Marc Monteil, il faut considérer cette révolution technologique comme “ un changement de paradigme dont les conséquences sont tout autant juridiques, sociétales, fiscales ”. Cette évolution, peu prévisible il y a moins de 30 ans, nous n’y étions pas préparés, installés dans un univers où, depuis la première crise pétrolière, tous nos efforts consistent à courir après la croissance. Cette crise économique, faisant suite aux “ 30 glorieuses “ qui ont structuré la société actuelle et les répliques successives que l’on connait depuis 1973, nous apprend que la croissance n’est plus un modèle désirable.

Une révolution technologique qui induit un bouleversement économique et sociétal

Dans cet univers hyper connecté, les conséquences de cette révolution numérique sur les organisations du travail sont considérables. Il n’est pas difficile d’imaginer, parce que cette révolution est déjà en marche, que les relations de travail vont évoluer vers des formes plus réticulaires et que la frontière entre la sphère professionnelle et la sphère privée deviendra de plus en plus poreuse. C’est déjà le cas dans bon nombre de professions. L’univers de la connexion nous amène à travailler à toute heure : on répond à un clients, on fait une recherche sur internet en plein weekend ou au retour d’une balade. La question du numérique pose celle de la gestion des Ressources Humaines et des organisations dans les entreprises, là où il n’y a plus unité de lieu et horaires de travail pour fixer le cadre.

conférence monteil numérique

La formation pour préparer le futur

Ces conséquences sur l’organisation du travail interrogent sur la façon de former les futurs acteurs du monde économique et du monde professionnel. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le temps s’accélère d’une manière considérable et l’évolution des technologies ne laisse plus le temps de nous adapter. Tout porte à croire que cette accélération va continuer. Dans ce contexte, il est difficile d’anticiper ce que seront les métiers de demain. Il faut donc préparer les jeunes à exercer des métiers dont on ne connait pas encore les contenus. Par contre, ce que l’on sait, c’est de quels types de compétences ils auront besoin pour s’adapter aux changements.

Jean-Marc Monteil est recteur, la pédagogie est son domaine d’excellence, aussi quand il affirme que “demain il faudra former à de nouvelles pratiques et non plus seulement à des métiers. On vivra dans des dispositifs réticulaires et l’exécution sera en voie de régression. Il faut prendre le sujet très au sérieux. Il faudra que l’enseignement permette aux jeunes d’acquérir des nouvelles compétences de manière à pouvoir accéder à l’emploi et à changer de métier tout au long de leur parcours professionnel. Ces nouvelles compétences sont l’ergonomie cognitive, la prise d’initiative, l’autonomie, et la capacité à agir dans une démarche collaborative.”

La question de la culture numérique

La matière première de la nouvelle économie, ce sont les données. Cela signifie qu’une grande partie du système est alimenté par nos données personnelles et que les évolutions de l’internet sont fondées sur des éléments dont l’Europe est absente. Ce marché est détenu à 98% par les américains et les asiatiques. Facebook, Google, Apple, les plateformes qui fonctionnent à travers un dispositif de géolocalisation se trouvent aux USA, 80% des clouds sont en Asie ; c’est donc là que sont stockées nos données. Jean-Marc Monteil est formel : “ Le défi technologique, c’est celui des clouds et du Big data qui sont au cœur de l’économie numérique.

Si la France accuse un retard par rapport aux américains et aux asiatiques ce n’est pas tant lié au niveau de formation – il est excellent – que du fait du défaut de culture numérique. Il est donc urgent de s’y intéresser car les enjeux sont considérables. Tandis que les USA recrutent des algorithmiciens de haut niveau – 140 000 offres d’emploi diffusées – nos jeunes talentueux quittent la France faute d’ambition de leurs aînés. L’enjeu économique est là. Il faut que la France prenne sa part de marché en développant l’innovation, ce qui signifie que la France doit prendre des décisions stratégiques pour pouvoir contrôler ces plateformes.
C’est ce que propose Jean-Marc Monteil : “La culture numérique doit être un vecteur essentiel des politiques publiques ; je suis profondément convaincu qu’on est à un moment décisif de notre histoire mais nous sommes dans un univers confortable et nous n’anticipons pas. Les interrogations sur demain, il faut les aborder à travers le partage d’une culture numérique. C’est un fait économique, social, politique. C’est un sujet central par rapport auquel il faut que soit partagée une réflexion commune. On doit être en mesure de partager une vraie culture avec une capacité d’innovation.

Des conséquences sur l’emploi

Dans une économie numérique, l’emploi est directement menacé car toutes les activités automatisables le seront très vite. Le secteur bancaire, le secteur des assurances sont déjà dans ce schéma et demain l’hôpital sera traité dans un monde digitalisé. Il s’y prépare. Si l’on ne prend pas aujourd’hui les bonnes décisions, ces disparitions d’emplois ne seront pas compensées par les emplois nouveaux que le numérique va créer. Ils sont immédiatement délocalisables et déjà délocalisés.
On estime aujourd’hui à 5 milliards le nombre d’objets connectés et à 50 milliards dans moins de 10 ans. Les enjeux de demain nous invitent à prendre notre place sur ce développement considérable des objets connectés, avec lesquels nous sommes capables de communiquer mais qui, demain, discuteront entre eux via les plateformes du futur. Pour Jean-marc Monteil, “il y a là un enjeu technologique et industriel important. D’où la nécessité de mener une réflexion autour de ces plateformes pour innover.” L’exploitation des données personnelles que nous produisons volontairement sont récupérées, et alimentent la stratégie économique. Facebook a une stratégie commerciale qui lui permet d’offrir la gratuité à ses utilisateurs parce qu’il peut dire à ses annonceurs qui sont ses clients et ainsi cibler les annonces sur des produits qui les intéressent. Les algorithmes sont construits en fonction d’objectifs et sont susceptibles de caractériser les comportements en relevant les traces de ce que les internautes regardent dans un univers “d’amis” qui ont en commun une convergence d’opinions. Et ça fonctionne parce que chacun de nous est à la fois producteur de données et consommateur. Pour ou contre, la révolution numérique est en marche. Nous allons vivre avec.

Repenser l’éducation

L’obésité informationnelle considérable à laquelle nous pouvons accéder nécessite une compétence qui est de savoir analyser l’information pour la transformer en connaissance. Il faut la contextualiser, la trier, la comparer, la confronter à d’autres informations avant de s’en emparer. Une des compétences de demain portera sur les modalités de tri, de comparaison, de sélection. Là est la frontière entre les croyances et les savoirs.
Et, pour Jean-Marc Monteil , c’est toute l’éducation qui doit être repensée : “ Chaque année 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans maîtriser les compétences de base. Avec le numérique on pourra résoudre cette question . Historiquement nous sommes organisés sur une représentation de l’intelligence verticalisée, or l’intelligence est multimodale et ce qu’offre le numérique c’est un monde en mesure de présenter la même information sous différentes modalités d’expression : on augmente la richesse de présentation et de fait on s’adresse à un plus grand nombre. »
Ce sera nécessaire si on veut prendre notre place dans cette compétition mondiale.
C’est l’objectif de l’appel à projets e-FRAN « espaces de Formation, de Recherche et d’Animation Numériques » pour permettre de développer des initiatives de terrain portées par des acteurs locaux, avec pour objectif de “transformer l’école par le numérique au service de la réussite de tous les élèves. »  Porté par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et Axelle Lemaire, Secrétaire d’État chargée du Numérique, e-FRAN s’adresse à tous les acteurs concernés par le numérique éducatif : écoles, collèges, lycées, écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), universités, organismes de recherche, collectivités territoriales, entreprises du numérique, associations etc.
Le premier appel à projets a retenu 9 projets. Un second appel à projet portera sur les compétences à développer pour gérer l’incertitude des contenus des emplois de demain.
La tenue des interventions des participants à la table ronde qui a suivi la conférence de Jean-marc Monteil a montré qu’en Auvergne, cette révolution est en marche. Réunis autour de Frédéric Coureau, président du Journal de l’Eco, qui animait la soirée, Hugues-Arnaud Mayer, ancien vice-président national du MEDEF, en charge de l’innovation, Laurent Carreda président d’Almerys, Jean-Jacques Dijoux directeur général de l’AGEFA-PME et Alain Séré inspecteur général de l’Education nationale, spécialiste des sciences de l’information, ont donné un point de vue très éclairé sur la nécessité – et l’urgence – d’investir dans l’innovation numérique.

Pour en savoir plus sur l’appel à projets e-FRAN, cliquez ici! 



Un article de Chantal Moulin

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