Art, Culture, Divertissements & Loisirs

Histoires et contes d’entrepreneurs : « Humilité et don de soi au service de l’entrepreneuriat social »

Histoires et contes d’entrepreneurs : « Humilité et don de soi au service de l’entrepreneuriat social »

Entre récit de vie et conte légendaire, Gilles Flichy et Emmanuel de Lattre nous retracent le parcours de Dominique Lery, co-fondatrice et Présidente du réseau d’aide à domicile Adhap.


Histoire d’entrepreneur de Dominique Léry par Gilles Flichy

Dominique Lery est née à Saulnat dans une famille de forgerons et d’ouvriers paysans, fermiers du château des Féligonde au cœur du pays Brayaud qui produit le vignoble des Côtes-d’Auvergne. C’est la terre fertile de la Limagne aux marches de Riom  et l’andésite, la pierre noire et austère des volcans, qui ont forgé son caractère noble de cœur qui assemble avec un goût très sûr la générosité, la simplicité, l’optimisme et l’esprit d’entreprise. Je ne peux m’empêcher, en dessinant son portrait, de songer au personnage haut en couleur de Jeanne d’Arc qui a tant fasciné les Riomois en son temps.

Chez elle, on ne rechigne pas à travailler dur pour subvenir aux besoins d’une famille nombreuse dont elle est la petite dernière d’une fratrie de 6 enfants. De sa mère, pour qui le sens du devoir, de la justesse et de l’abnégation font partie de son ADN, elle a reçu infiniment. Heureuse et « gâtée d’amour et non d’argent » lâche-t-elle  avec reconnaissance et émotion.

Bosseuse et douée, elle obtient son bac à 17 ans et rêve de devenir assistante sociale, animée par cette pulsion qui la porte à aider les autres. Elle fait donc le choix d’une fac de psycho et s’aperçoit très vite que cela ne lui convient pas en dehors des maths. Elle échoue aux concours d’assistante sociale et c’est l’occasion pour elle de  s’interroger sur sa véritable vocation. Elle prend conscience que si elle veut aider les gens ce n’est pas tant pour les assister que pour les faire grandir révélant ainsi le manager porteur de sens  qui s’éveille en elle. Confortée par son goût des chiffres, elle décide de faire un IUT. Elle essuie un refus incompréhensible motivé par le fait qu’elle a fait ses études dans le privé à Sainte-Marie-de-Riom. Elle est déçue par cette décision qu’elle vit comme une profonde injustice. Son père en pré-retraite n’ayant pas les moyens de financer une école privée, elle ne se démonte pas et s’inscrit au CNED pour passer un BTS comptabilité par correspondance, ce qui se révèle compliqué. Pleine de vie et du désir de danser et  faire la fête elle arpente les « bals musettes » de la région et c’est là qu’elle rencontre à 16ans 1/2  son futur mari, menuisier de son état. Mariée à 19 ans en 1980, elle achève sa 1ère année de BTS et se retrouve enceinte motivée par la peur de ne pas avoir d’enfant. Après une grossesse difficile, Sandra nait en avril. Sa motivation en prend un coup, elle abandonne son BTS et élève sa fille pendant 1an 1/2 puis, la confie à sa mère qui fait office de nounou. Elle trouve un emploi de greffière stagiaire à mi-temps à la Cour d’Appel de Riom, puis en parallèle s’oriente vers une pharmacie dont elle tient la comptabilité. En 85, après avoir été licenciée de cette pharmacie, elle décide de concevoir et élever Charles-Edouard, son second enfant qu’elle élève pendant 1 an ½ avant de le confier à son tour à sa mère la journée. Coup de théâtre ! Elle est propulsée directrice adjointe d’une maison de retraite montée par sa sœur à Mozac. Dominique me confie : « Ca m’a permis de savoir ce que j’étais capable de faire ». Son destin s’accélère, elle remplace sa sœur comme directrice pendant plusieurs mois dans un contexte difficile et fait la connaissance de son futur associé, infirmier libéral, avec lequel elle sympathise. Ils cheminent dès lors ensemble vers la concrétisation du projet ADHAP.

Dominique fait l’objet d’un plan de  licenciement début 91, la maison de retraite étant cédée au groupe ORPEA. Pour elle tout est opportunité, c’est pourquoi, prenant  conscience de sa carence en informatique elle s’inscrit à un stage à l’ANPE ainsi qu’à 2 UV à l’IUT. En juin 91, on lui propose un emploi en intérim d’assistant contrôle de gestion chez CORIMEX et est embauchée 3 mois plus tard. Cette expérience intéressante va lui permettre de maitriser les outils informatiques. De plus en plus consciente de sa singularité professionnelle, Dominique reconnait qu’elle n’aime pas la hiérarchie et qu’en définitive son rêve secret c’est de se mettre à son compte. Son projet chemine et se précise et elle envisage, avec son associé, qui a perçu sur le terrain un  manque dans ce domaine, de créer une entreprise dans le secteur des services à la personne.

En 1996, la loi Juppé a créé une brèche  en prévoyant l’ouverture aux entreprises de ce secteur exclusivement aux mains des associations. Elles sont très hostiles à toute tentative d’intrusion dans ce secteur férocement gardé pour des raisons relevant davantage de l’idéologie que de la qualité de service rendu. En juin 96, la société CORIMEX met en place un plan de licenciement et Dominique recherchant un nouveau travail est reçu à Clermont-Ferrand par le GEFA (Centre de Gestion agréé de l’Agriculture). Loyale, Dominique avertit le directeur du GEFA qu’elle est en train de monter une entreprise ce qui ne le dissuade pas de l’embaucher en novembre 96 comme secrétaire de direction et il lui confie la responsabilité de la comptabilité et de la paye du centre de gestion. Parallèlement, tandis qu’elle tisse patiemment dans l’ombre le fil d’Ariane qui lui permettra de réaliser son rêve secret de devenir entrepreneur, elle monte 3 chambres d’hôtes, une table d’hôte, élève ses deux enfants et retourne à l’IUT suivre des cours d’anglais.

Très efficacement accompagnée par Madame Rachenberger de la DAS, elle monte un dossier en béton qu’elle présente au Jury du Cros qui est loin de lui être acquis. Contre toute attente, elle reçoit un agrément en août 97 et démarre avec son associé, chacun conservant son domaine d’activité. Les débuts sont extrêmement difficiles, la concurrence très déloyale des Associations se déchaine et ils sont souvent perçus comme trop chers. L’année 99 va marquer un tournant avec le passage providentiel de la TVA à 5,5%, concernant les Services aux personnes âgées handicapées, qui va se répercuter sur les prix, les rendre compétitifs et booster leur chiffre d’affaire. Dominique est étranglée entre ses multiples activités,  aussi en 2000 elle se met d’accord avec le GEFA pour passer à mi-temps. 6 mois plus tard Dominique a définitivement endossée son costume d’entrepreneur au sein d’ADHAP et s’y consacre à plein temps. Sa relation avec son associé devient plus personnelle aussi se sépare-t-elle de son mari et elle divorce en 2002. A nouveau Madame Rachenberger, telle la fée clochette, vient éclairer leur décision quand elle leur parle d’une émission « Zone interdite » qui présente le réseau « Age d’Or service », premier réseau de franchise dans son secteur, et son dirigeant qui témoigne du besoin d’être fort dans un contexte d’hostilité ambiante. Dominique sait saisir les opportunités à la volée aussi elle réagit immédiatement : « Et si on faisait pareil ?, Si l’on montait un réseau de franchise de services à la personne ? ». Chose dite, chose faite, elle s’inscrit à un stage de franchiseur auprès de la Fédération Française de Franchise et monte à Paris pour le suivre. Ne disposant pas d’un trésor de guerre, ils décident de tout faire seuls, rédigent le manuel opératoire et font appel à un avocat low cost qui va leur causer bien des soucis. Le lancement de la franchise sera suivi d’un premier contrat en 2001 mais le contrat très léonin que leur a concocté leur avocat va entrainer l’abandon en cours de signature de 10 candidats.

En 99 Dominique rejoint le CA du Syndicat des entreprises de Service à la personne où elle croise le patron de l’Age d’Or qui lui explique qu’il est nécessaire de se faire accompagner par un conseil en Franchise dès le début. Elle retient la leçon, finance une étude à hauteur de 10 KFrs qui valide son concept et se fait accompagner par un conseil qui l’aide à structurer son offre. Elle connaît enfin un développement rapide de son activité et devient ainsi le 1er réseau de franchise dans les services à la personne devant l’Age d’Or. Elle travaille beaucoup, s’implique énormément et recrute 50 franchisés.

En 2004, elle traverse une phase très difficile quand tombe le décret d’application en juin 2004 qui donne pouvoir aux Conseils Généraux de s’opposer à la création de nouvelles structures entrepreneuriales dans son secteur d’activité et dont ils vont user et abuser sans discernement. 18 nouveaux franchisés sont bloqués pendant 18 mois. Dominique endosse un nouveau costume celui de lobbyiste et part, seule dans son secteur, en croisade telle Jeanne d’Arc aux côtés du secrétaire général du SESP. Ils rencontrent des élus et des politiques et elle trouve son nouveau champion en la personne de Jean Louis Borloo. Son courage n’a d’égal que sa détermination, aussi en participant activement à l’élaboration de la loi Borloo en janvier 2006 elle va enfin débloquer la situation de ses franchisés. Elle renoue avec la croissance, accompagne la reprise du développement d’Adhap avec son tourbillon de recrutements et de restructurations et de difficultés. Elle fait face à un contentieux difficile qui l’oppose à une SSII qui leur a livré un logiciel inopérant dans un contexte de gouvernance interne semés de désaccords et d’incompréhensions. C’est alors qu’elle reçoit en 2007 un appel du pied du groupe AXA qui se pose en repreneur. Contrairement à son associé qui n’est pas insensible « aux chants des sirènes » Dominique n’est pas vendeuse probablement davantage motivée par sa passion d’entreprendre et d’aider les autres que par l’appât du gain. Elle s’en ouvre à son frère Jean-Pierre qu’elle a embauché comme responsable du recrutement en 2004 et en qui elle a toute confiance. L’entreprise est florissante, le réseau est leader de son marché, la période est idéale, celui-ci la persuade de vendre. De guerre lasse et fatiguée par son implication hors du commun pour son entreprise, ses franchisés, ses clients et toute sa profession elle décide de signer avec AXA en juillet 2008 et met fin à sa relation personnelle avec son associé. Elle devient Présidente de l’entreprise à la demande d’AXA afin de les accompagner pendant 3 ans.

Entre temps, Dominique reçoit deux récompenses, le prix « Femme chef d’entreprise de l’année » en 2005 qui lui est remis par Laurence Parisot alors Présidente du Medef et le ruban d’argent de la franchise en 2007 décerné par la Fédération Française de la Franchise.

C’est en 2009 que les premiers signes d’épuisement se sont manifestés. Prise dans le cercle infernal de l’entreprise complexifié par les graves difficultés informatiques auxquelles elle a dû faire face, la coupe est pleine. « De 2007 à 2008, je bossais comme une dingue, mon corps a dit stop et après plusieurs mois de vertiges incessants, épuisée, j’ai craqué alors que je sortais de la bretelle d’autoroute pour me rendre à ma rencontre mensuelle de l’APM qui me fait tant de bien». Pourtant son entourage lui disait « on ne te trouve pas bien, tu devrais aller voir quelqu’un ». Comme d’habitude, elle a pris dans la tempête la bonne décision, celle d’aller voir un médecin qui l’arrête à son corps défendant. Elle dit avoir eu de la chance de se remettre rapidement

A l’issue des 3 années d’accompagnement, le constat est très positif, AXA lui fait totalement confiance, l’entreprise est toujours leader de son marché, l’entente est très bonne, AXA lui renouvelle sa confiance et lui demande de continuer à diriger cette belle entreprise, ce qu’elle accepte. Elle le fait comme si c’était toujours la sienne, avec la même implication jusqu’à la cession de l’entreprise par AXA au groupe ORPEA en décembre 2014. Pendant ces 18 années d’abnégation, elle a permis à plus de 100 entrepreneurs de devenir chef d’entreprise, ceux-ci ont créé 4 500 emplois de salariés et prennent en charge plus de 15 000 personnes fragilisées chaque jour.

En 2011, Dominique reçoit le précieux Ruban d’or de la franchise. Ce ruban d’or est la reconnaissance de tout ce qu’elle a mis en place dans le réseau Adhap services pour que le dialogue, l’innovation et le partage soient au cœur des relations qu’elle entretien avec ses franchisés aujourd’hui si reconnaissants. Un an plus tard en 2012, elle est promue chevalier de la légion d’honneur, en récompense de son engagement bénévole dans le secteur du Service à la personne. Elle décerne cette décoration à sa maman qui l’a toujours soutenue en toutes circonstances.

En 2013, elle  frise un deuxième burnout tout en reconnaissant spontanément qu’entre-temps « elle n’a rien changé » et décide de prendre les choses en main sérieusement. Elle embauche un Directeur Général, met en place un circuit de délégation efficace et progressivement se dégage de l’opérationnel de l’entreprise. Elle  prend du temps pour elle et pour s’occuper de ses petits-enfants avec qui « elle ne veut rien louper ».

De ses épreuves qui l’ont parfois amenée à frôler l’irréparable, elle a su avec clairvoyance tirer les leçons en se posant les bonnes questions. Elle a appris de ses erreurs qu’il faut les comprendre pour ne pas les reproduire. Elles l’ont fait grandir et elle professe volontiers qu’il est bon d’avoir des idées et non des certitudes, qu’il faut savoir écouter, partager et se remettre en cause. Aujourd’hui Dominique a pris conscience de ses limites qu’elle a souvent transgressées et elle a appris à écouter son corps. Tout en l’écoutant attentivement je me laisse emporter par le chant mélodieux et régulier de la cascade de son jardin dont l’eau jaillit entre les pieds d’un bouddha paisible et éveillé qui nous invite à profiter pleinement de l’instant présent. Ce rêve éveillé fait place à l’émerveillement d’être pleinement en vie avec en toile de fond le merveilleux paysage aux couleurs chatoyantes de la Limagne enchâssée dans la chaine des volcans qui semble à jamais immuable.
Aujourd’hui Dominique a tourné la page et à l’intime conviction qu’elle démarre une nouvelle vie. Après avoir dépassé sa plus grande peur, celle de rester seule, elle a appris à vivre seule et trouvé la sérénité et lui a permis de renouer avec son optimisme et sa grande curiosité qui la rend ouverte à tout. Son souhait le plus cher, de partager sa vie avec un compagnon qui lui correspondrait, est en train de se réaliser à la suite d’une rencontre qui a été « un vrai coup de foudre réciproque » et elle savoure ce moment d’exception désormais sans crainte des lendemains.

Elle s’est lancée dans une activité de conseil auprès des entreprises avec deux spécialités : le développement en franchise et les services à la personne. Renouant avec son expérience heureuse de lobbyiste, Emmanuel Macron lui a confié une nouvelle mission qui consiste à créer la filière économique des Services à la Personne en faisant dialoguer tous les acteurs du secteur (associations, entreprises, public, particulier employeur, organisations syndicales). Cette mission lui permet de les réconcilier après tant d’années de haine et de guerres fratricides. Dominique aime jouer le rôle de facilitatrice et rassembler et elle a pardonné à tous ceux qui ne l’ont pas ménagée. Nourrie par tout ce que le réseau APM lui a apporté elle a décidé de transmettre son expérience en devenant la présidente du premier club Germe de Clermont-Ferrand et elle me raconte, les yeux plein d’étoiles, le dernier événement national du réseau Germe « Grandeur Nature » qui s’est déroulé à Autrans du 26 au 28 mai 2016.
Dominique reconnaît que la motivation qui la fait avancer c’est d’abord ce gout de la relation à l’autre et le plaisir d’aider les gens à évoluer pour les faire grandir et les rendre heureux. Elle est fière d’avoir pu prouver que l’on pouvait réussir tout en restant honnête car le plus grand danger qu’elle a côtoyé tout au long de son parcours c’est cette naïveté généreuse qui l’habite et qui pourrait passer pour de la candeur dans un monde livré aux passions brutales de l‘ego, de la jalousie et de l’avidité. Son  regard transparent semble chercher  le soutien de celui de sa mère qui, les yeux plein d’amour et d’admiration, lui disait « Tu en as dans la tête ! Ce qui est bien, c’est que tu n’as pas changée. Ta réussite ne t’a pas abimée.… »
Après s’être beaucoup oubliée, ce que confirme son frère Jean-Pierre avec affection : « C’est inhumain ce que tu imposes à ton corps », Dominique a décidée de se centrer davantage sur son bien-être. Elle réalise que pour servir utilement les autres il est grand temps de s’occuper davantage d’elle-même. Installée dans la douce quiétude de son  jacuzzi elle contemple de ses grands yeux bleus  ce paysage apaisant du pays Brayaud qui s’étend devant elle à perte de vue. Elle bascule, comme Alice, dans un autre monde plus apaisé ou un sage bienveillant  lui glisse dans le creux de l’oreille, avec tendresse, « Dominique, tu as fait du bien autour de toi et permis à des gens d’être heureux et de s’épanouir, à ton tour de profiter du bonheur de vivre ».

Confrontation de l’histoire de Dominique Lery à l’univers des contes par Emmanuel de Lattre

La reine envoie ses 3 filles parfaire leur éducation chez une noble dame, admirée autant pour ses qualités de cœur que d’esprit, aussi bien par les rois que par les bandits. Elles y passèrent plusieurs années d’études puis revinrent au château, à l’entrée duquel elles retrouvent le vieux fermier sur les genoux duquel elles apprirent à chevaucher.

L’ainée s’enquiert des circonstances qui ont récemment rendu borgne son cheval. Et aussi perdre plusieurs dents ajoute la deuxième. Et devenir boiteux poursuit la troisième. Touché par leur compassion et interloqué par cette préscience, il leur raconte qu’à force d’utiliser sa monture pour tous les travaux et transports au château, sa condition physique s’est rapidement dégradée. Mais comment peuvent-elles savoir autant de ces petites choses du petit quotidien alors qu’elles sont restées absentes aussi longtemps et qu’elles-mêmes ne sont même pas encore descendues de cheval ?

L’aînée a remarqué que l’herbe à gauche du sentier avait été broutée mais pas celle de droite, alors que cette dernière paraissait visiblement plus grasse. La deuxième confie que certaines touffes d’herbes n’étaient pas arrachées alors qu’elles étaient humides de salive. La troisième assura qu’une des 4 traces au sol était moins marquée que les autres. Ils entrent ensemble dans le château, le fermier toujours sous le choc et les 3 sœurs avec la grâce des êtres complètement présents à leurs semblables et à leur environnement.

L’ainée poursuit cet échange en félicitant le fermier pour sa bonne récolte de miel et la quantité importante de beurre produite cette année. La cadette lui demande si sa femme n’était pas trop fatiguée par le voyage. La benjamine s’enquiert même des conditions de sa maternité. De plus en plus interloqué, le paysan les remercie et les rassure sur chacun des points. Il veut aussi comprendre comment elles savent autant de choses.

L’ainée affirme avoir vu des colonnes de fourmis s’enduire les pattes d’un liquide épais à plusieurs endroits sur le sentier, tandis que des essaims d’abeilles, de mouches et de guêpes s’affairaient régulièrement autour d’une substance transparente et collante sur des bosquets à hauteur d’homme de l’autre côté du sentier. La cadette confia s’être arrêtée pour uriner à l’endroit où une autre femme venait récemment de s’arrêter également. La benjamine, qui l’accompagnait, avoua que la trace laissée au sol par les mains posées pour se relever suggérerait des difficultés à se mouvoir.

Informée de leur retour et ravie par autant de prévenance et de clairvoyance, leur mère les laissa régner à tour de rôle pour que chacune puisse prendre soin du royaume et de leurs sujets.

Ainsi en est-il de Dominique qui a su mettre à profit chaque rencontre, chaque élément dans son parcours, appliquant à la lettre le principe de sérendipité, pour traverser les épreuves et poursuivre ses projets, animée de l’unique intention de toujours « prendre mieux soin ». Et comme charité bien ordonnée devrait toujours commencer par soi-même, il est nécessaire de ménager sa propre monture. Celle qui permet de transporter les meilleures nourritures à ceux qui en ont besoin, de transporter la vie d’une rive à l’autre et d’être, attentive et généreuse, aux mondes (le sien, ceux de chacun, celui qu’on partage).

Réaction de Dominique Lery à la découverte de ce conte

« Dans ce conte que j’ai eu plaisir à lire et relire, je trouve beaucoup de similitude avec le chef d’entreprise … cette capacité à rester proche de ses collaborateurs tout en étant souvent loin physiquement, l’attention et l’intérêt qu’il est indispensable de leur porter et qui fait des miracles d’implication et d’amour pour leur travail. Enfin, il démontre à quel point le chef d’entreprise a besoin d’être entouré, que tout cela n’est qu’une affaire d’équipe ! »



Un article de Gilles Flichy et Emmanuel de Lattre

Si vous avez aimé cet article,
partagez le !