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Mathieu-Robert Jourda : les partis politiques français sont désormais obsolètes

Mathieu-Robert Jourda : les partis politiques français sont désormais obsolètes

Est obsolète une chose qui a été utile et qui, à cause de l’évolution de son domaine d’appartenance, ne l’est plus. On dit alors qu’elle est hors d’usage. La chose n’a pas nécessairement disparu, le service qu’elle rendait peut être toujours en vigueur mais il est fourni par une chose différente, généralement plus performante. Ainsi par exemple votre grand-mère qui, à son époque, était très branchée sur le progrès technique au service de la ménagère, avait acquis un lave-linge qui non seulement rendait tout propres les tissus mais comportait un système de rouleaux d’essorage qui rendait la torsion plus rapide et moins pénible. Et puis les ingénieurs fabricants ont compris qu’il suffisait de faire tourner le tambour de lavage à 1500 tours/minute pour avoir le même résultat et sans aucune fatigue. Conséquence, votre grand-mère a moins consacré de temps au ménage et, par exemple, a pu ainsi devenir conseillère municipale.


Dans une société constituée, par exemple une Nation, le progrès technique engendre du temps libre et si la conscience de ses membres, au sens d’intelligence, en profite pour se développer, les citoyens se sentent désireux et capables de décider par eux-mêmes de leur destin individuel et collectif. Cette autodétermination est le mode de direction des démocraties, lequel se traduit de façon naturelle par l’apparition des partis politiques. Nous disons bien « partis politiques », au pluriel, car le parti unique n’est que la continuation du pouvoir des puissants : la noblesse, les propriétaires de terres et/ou d’entreprise, les chefs militaires… Ainsi la richesse collective de l’Arabie Saoudite a permis à tous les jeunes d’aller à l’école et de devenir ingénieurs et commerciaux de l’industrie pétrolière, mais pas d’apprendre que les hommes naissent libres et égaux en droit. Il n’y a donc pas de parti politique dans ce pays fortuné.

En France, le premier parti politique est né en 1901, il a été un parti de gauche, il s’est nommé SFIO en 1905, en même temps que la loi qui institua la laïcité, et ce n’est pas un hasard. Le pouvoir avait été jusque-là assumé sans partage par les favorisés intellectuels et économiques, cette classe sociale va alors constituer son propre parti et mener un combat jusqu’en 1958 où  grâce à De Gaulle les partis seront institutionnalisés. Durant cette dernière soixantaine d’années, la gauche a représenté les ouvriers, et la droite les patrons, c’est-à-dire les pauvres d’un côté et les riches de l’autre, mais petit à petit, la revendication de revenu et de meilleures conditions de travail ayant été acceptablement satisfaite, la différence dans l’exercice du pouvoir politique est devenue moins drastique. Depuis vingt ans environ on peut résumer cette différence ou opposition comme celle des demandeurs de la protection et des demandeurs de la récompense. Les premiers souhaitent un maximum de biens et de services gratuits – ce qu’on appelle les dépenses publiques – les seconds revendiquent la richesse comme le résultat de leurs performances professionnelles – ce qu’on appelle le revenu obtenu et cumulé -.

La notion de récompense explique par exemple qu’un Français sur quatre donne l’absolution à François Fillon pour le versement à son épouse de la rémunération officielle d’attaché parlementaire : il n’a pas volé cet argent, il en a fait bénéficier la personne qui peut lui apporter les meilleurs services pour sa fonction politique. Bien sûr c’est cher payé par rapport au salaire d’une femme de ménage, mais servir un futur Président n’est-ce pas une noble tâche ?

Et puis, à y bien réfléchir les notions de protection et de récompense se croisent. Quand un ouvrier demande à l’Etat des allocations et des services gratuits, n’est-ce pas la revendication d’une récompense pour avoir accepté de travailler dur pour un maigre salaire ? Et quand un grand patron se fait payer huit millions d’euros pour diriger une grande entreprise, n’est-ce pas pour l’inciter à exercer son savoir-faire afin de créer de l’emploi qui protège les ouvriers du chômage ?

Alors regardez bien les programmes de nos onze prétendants à l’investiture présidentielle : ils prévoient tous de la protection pour tous, pour les riches comme pour les pauvres, en proportion variable mais en récompense de leur contribution à la richesse nationale, une récompense donc proportionnelle au mérite. La concurrence des candidatures est celle de la démonstration du mérite des différentes contributions économiques et non plus du parti pris pour telle ou telle classe sociale. Conservatisme et socialisme, notions obsolètes.

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