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L’intérim, comme philosophie du travail

L’intérim, comme philosophie du travail

Dans l’esprit de beaucoup encore, l’intérim va de pair avec faible qualification et travail spécialisé. On observe cependant, depuis quelques années, une forte croissance de la proportion de cadres pratiquant le travail temporaire. L’intérim sera-t-il votre tremplin vers l’emploi et la pluri-fonctionnalité ? Récemment, au Printemps de Entrepreneurs, à Lyon, le président de ADECCO France, Christophe Catoir, leader de l’intérim dans le pays, estimait nécessaire de repenser l’approche du travail temporaire plus aux yeux des entreprises que des salariés utilisateurs de cette nouvelle manière de travailler. La réalité est bien là ! Si l’intérim n’a pas toujours eu « bonne presse », il est désormais non pas un tremplin vers l’emploi durable, mais bien une forme de motivation sans cesse renouvelée à exercer une ou plusieurs missions.


L’intérim continue de progresser

Il y a environ deux mois, en mars 2018, la publication du baromètre du travail temporaire montrait une progression de +10,4 %. Au cours du premier trimestre 2018, la hausse aura atteint +8,8 %.

Toutes les régions sont orientées à la hausse. Le Centre Val de Loire et la Bourgogne-Franche-Comté sont, avec + 16,2 %, celles où la progression des effectifs est la plus marquée. La progression est de + 12,4 % en Auvergne-Rhône-Alpes. A l’opposé, l’Ile-de-France et la Normandie, avec +4,9 %, enregistrent ce mois-ci la tendance la plus modeste. Presque toutes les catégories professionnelles bénéficient de cette amélioration avec des progressions relativement homogènes comprises entre +13,7 % pour les employés et +7,7 % pour les ouvriers qualifiés.

Tous les secteurs concernés

L’industrie connaît une accélération de +11,7 % (après +7,2 % en janvier et +7,5 % en février). La croissance ralentit légèrement dans le BTP avec +5,9 % et se situe dans la continuité de la tendance de 2017 (+5,4 %). Le secteur des transports ralentit avec +11,6 % (après +23,4 % en janvier et +16,5 % en février) tout en conservant une croissance à deux chiffres. Le commerce, qui en février avait souffert de conditions climatiques rudes avec -0,6 %, se redresse en mars pour atteindre une hausse de +6,5 %. Enfin, les effectifs intérimaires dans les services enregistrent un net rebond avec +11,2 %. L’emploi intérimaire se développe chez les employés (+13,7 %), les ouvriers non qualifiés (+11,5 %), les cadres et professions intermédiaires (+10,3 %) et les ouvriers qualifiés (+7,7 %).

Les agences d’intérim ont évolué au fil des années. L’évolution a été portée par une demande des entreprises utilisatrices en mouvement, mais aussi par l’évolution de notre société dans son entier. En effet, comme le souligne l’Observatoire de l’Intérim, si historiquement, les emplois en intérim ont été occupés majoritairement par des hommes jeunes, principalement dans l’industrie, le métier a changé. La tendance est, ces dernières années, à l’augmentation de l’âge et du niveau de qualification des salariés intérimaires. La part du tertiaire est également en constante croissance.

Récemment, au Printemps de Entrepreneurs, à Lyon, le président de ADECCO France, Christophe Catoir, leader de l’intérim dans le pays, estimait nécessaire de repenser l’approche du travail temporaire plus aux yeux des entreprises que des salariés utilisateurs de cette nouvelle manière de travailler. Voir vidéo

L’intérim se féminise

La force des entreprises de ce secteur est de pouvoir répondre à la fois aux attentes des grandes entreprises comme des PME locales, ainsi qu’aux demandeurs d’emploi qu’ils soient ouvriers, employés ou cadres. Depuis 2005, les agences d’emploi peuvent effectuer des recrutements en CDD et en CDI ce qui leur permet de pouvoir répondre de manière plus complète aux problématiques de gestion de personnel de leurs entreprises clientes. Ces évolutions sont notamment portées par la féminisation des effectifs. 1/4 des intérimaires est en effet féminin. Et les femmes intérimaires sont nettement plus diplômées que les hommes. 18% des femmes justifient d’un diplôme bas + 2 (9% chez les hommes), 11% justifient d’un bac + 3 (5% chez les hommes). Les effectifs masculins sont plus souvent sans diplôme (19% contre 15% chez les femmes), ou titulaire d’un CAP, BEP (36% contre 23% chez les femmes). 50% des femmes intérimaires sont employées ou techniciennes / agents de maîtrise. Les hommes intérimaires sont majoritairement ouvriers (86%). Les femmes intérimaires sont davantage en mission dans les secteurs des services (41%) que les hommes (25%).

Quel profil et quelles motivations côté intérimaires ?

Pour la très grande majorité des entrants, l’intérim est une forme d’emploi qui intervient pour la première fois le plus souvent en début de carrière. En moyenne, les entrants poussent ainsi pour la première fois la porte d’une agence à 25 ans et 10 mois. 63% des sondés avaient moins de 25 ans lors de leur première inscription, 13% de 25 à 30 ans, 24% 30 ans ou plus. Le plus souvent, le recours à l’intérim est précédé par une période de non emploi (69%). Les étudiants et les personnes en emploi (CDI, CDD ou autres contrats) apparaissent quant à eux minoritaires dans les profils à l’entrée en intérim (tous deux 15% des entrants).

Les motivations pour s’inscrire ?

Selon l’Observatoire de l’Intérim et du Recrutement, l’intérim apparaît pour une large majorité des répondants comme une solution efficace pour accéder rapidement à l’emploi : 52 % d’entre eux voulaient travailler et l’intérim leur permettait d’avoir un emploi rapidement, et 37% ne trouvaient pas de CDI ou de CDD et se sont tournés vers l’intérim.

Outre un travail rapide, l’intérim est également choisi pour se former (acquisition ou diversification d’expériences professionnelles) par 35% des répondants. « Pour les autres, 22% avaient pour objectif d’être embauchés dans les entreprises dans lesquelles on les enverrait en mission (logique d’insertion) et 17% ont choisi l’intérim pour la souplesse du rythme de travail ». Sur les 1800 intérimaires interrogés, un an après plus des deux tiers d’entre eux (68%) sont toujours en emploi : 51% sont toujours en intérim, 8% sont en CDI, 8% en CDD, et 1% en stage.

Sur les 51% des personnes qui sont toujours en intérim un an après, 40% déclarent que la formule leur convient bien en attendant de trouver un CDD ou un CDI, 38% n’ont pas d’autres choix, 12% déclarent que l’intérim est un mode de vie qui leur convient bien, 6% veulent continuer via l’intérim à avoir des expériences professionnelles différentes, et 3% estiment que c’est un bon moyen pour se former.

Globalement, 82% des intérimaires ont une bonne opinion de l’intérim, même si le mot « précarité » apparaît de façon spontanée. La qualité des relations avec les agences d’emploi (81 % de satisfaits), l’intérêt du travail (75 %), l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle (74%) et la rémunération (73%) restent les principaux motifs de satisfaction des intérimaires à l’égard de cette forme d’emploi.

Le travail temporaire se développe chez les plus qualifiés

Le point de vue des cadres comme celui des DRH concernant l’intérim s’est notablement amélioré ces dernières années. Pour les cadres, finie la « honte » de travailler en intérim. Ainsi, selon une enquête menée par Plus intérim, 60 % des cadres mettent en valeur leur expérience intérimaire sur leur CV en 2000, contre à peine 44 % en 1998. Par ailleurs, l’expérience intérimaire est, malgré d’excellentes statistiques, beaucoup moins considérée comme un tremplin vers l’emploi que comme une manière efficace d’acquérir de nouvelles compétences et un professionnalisme certain en multipliant les expériences, ainsi que de s’ouvrir à de nouveaux secteurs d’activité.

Une large majorité (65 %) des cadres s’inscrivent maintenant dans une agence d’intérim dès leur premier mois de recherche d’emploi, alors qu’en 1995, la majorité des inscriptions concernait des cadres à la recherche d’un emploi depuis plus d’un an.

En ce qui concerne les recruteurs, le recours à l’intérim est devenu plus systématique, preuve du gain de crédibilité du travail temporaire ces dernières années : en 2000, 70 % des missions confiées à des agences le sont dès l’ouverture du poste. De plus, il ne se limite plus seulement aux grandes entreprises mais concerne de plus en plus de PME et de start-ups, ce qui, à coup sûr, indique une évolution positive de l’image de l’intérim dans les petites structures.

Un nombre croissant de missions cadres sont confiées à des personnes de plus de 50 ans. Cette présence renforcée des seniors est remarquable pour les deux dernières années, aussi bien du côté des entreprises que de celui des demandeurs d’emploi. Actuellement, plus de 80 % des cadres en intérim sont embauchés à la fin de leur mission, dont la moitié en CDI.

Flexibilité et intérim

Les nouvelles lois travail, promulguées par Emmanuel Macron, il y à quelques semaines ont entrainées de fait une réelle flexibilité. Au-delà des avis négatifs de plusieurs syndicats, pour le moins représentatifs de secteur historique du travail, de nombreux intellectuels préfèrent parler d’avancée offrant une flexibilité avantageuse pour les entreprises et les salariés, notamment envers l’intérim. Voir article de fond du Journal de l’éco

La flexibilité sous ses différentes formes permet d’accroître la productivité du travail car elle évite que certains salariés soient sous-employés (polyvalence et annualisation). La baisse des coûts de production et donc des prix peuvent être obtenues par une meilleure adaptation des besoins de main d’œuvre à la production. La flexibilité permet une meilleure circulation des travailleurs d’un secteur à l’autre ce qui favorise le redéploiement des capacités productives pour l’innovation (théorie du déversement). La flexibilité quantitative peut éventuellement inciter les entreprises à créer des emplois (même s’il s’agit souvent d’emplois précaires). La flexibilité quantitative permet éventuellement aux salariés de mieux gérer temps de travail et temps de loisirs. La flexibilité qualitative en donnant plus de polyvalence aux salariés peut répondre aux exigences accrues de la main d’œuvre.

Pour autant, la flexibilité peut avoir des effets néfastes à travers l’intérim
Par exemple, les entreprises peuvent utiliser les CDD ou les interims, non pas pour adapter la quantité de main d’œuvre aux besoins mais pour réduire les protections accordées aux travailleurs. Les NFE (les nouvelles formes d’embauche) peuvent alors apparaître comme un nouveau mode de gestion de la main d’œuvre voir comme une nouvelle organisation du travail. La flexibilité peut aussi avoir des effets négatifs sur la productivité du travail. Quand le travail est précaire, le salarié peut être moins impliqué. Il a moins le temps de développer ses capacités ; la formation permanente aux transformations technologiques peut se révéler sélectives (et exclure par exemple les intérims), l’embauche de jeunes surqualifiés peut être contreproductive.

La flexibilisation de l’organisation et des rapports de travail génère une précarisation croissante du travail, créant un marché du travail à plusieurs vitesses. Selon les économistes américains M.J.Piore et P.D.Doeringer, « il n’existe pas un marché unique du travail, mais un marché segmenté en deux compartiments (on parle alors de dualisme du marché du travail ou de segmentation du marché du travail) avec au centre un marché interne où les grandes institutions et les grandes entreprises recrutent des salariés stables bénéficiant d’un statut négocié avec les syndicats et un marché externe où des emplois précaires sont offerts. La précarisation du travail peut avoir des effets néfastes sur la croissance car elles incitent les individus à épargner par précaution et à peu consommer et investir. »

Selon le site «Plus intérim », les avantages du système sont réels.
Pour les jeunes cadres, qui représentent d’ailleurs près du tiers des cadres postulant à des missions intérimaires, l’intérim permet d’avoir une bonne vue d’ensemble du marché du travail, de nombreux contacts avec les entreprises ainsi que des expériences variées.

L’intérim de management

Chez les cadres expérimentés de haut niveau, l’intérim de management est assez en vogue : il s’agit, pour des directeurs financiers, des ingénieurs de production, de résoudre des situations critiques telles que la restructuration de l’entreprise, son introduction en bourse. Dans plus d’un cas sur trois, la mission en intérim débouche sur un CDI (certaines entreprises envisagent la mission en intérim comme une période d’essai). Comme vous l’expliqueront les inconditionnels de l’intérim, ce système vous laisse libre d’organiser votre temps comme vous le voulez. Attention, cette flexibilité paraît bien attrayante, mais n’est pas forcément facile à vivre. Enfin, travailler en intérim vous épargne les tensions entre collègues, mais aussi et surtout la routine, ce qui de nos jours peut éloigner le fameux burn out

 

Marc-Alexis Roquejoffre



Un article de Marc-Alexis Roquejoffre

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